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Infections, pathologies, maladies dans le cadre de la grossesse

Publié le 17 juin 2024Lecture 11 min

Le rôle des sages-femmes dans la prévention et la prise en charge des infections sexuellement transmissibles

Laura BOURGAULT, Nantes
Le rôle des sages-femmes dans la prévention des IST

Comment les compétences de la sage-femme s’articulent-elles autour de la prévention, le dépistage et la prise en charge des IST ?

Comme le rappelle l’Organisation mondiale de la Santé, il existe 30 bactéries, virus et parasites transmissibles lors d’un rapport sexuel vaginal, anal ou oral, avec une majorité des IST dont la contraction est liée à 8 agents pathogènes. Parmi eux, nous trouvons la syphilis, la gonorrhée, la chlamydiose et les trichomonas. Les quatre autres ? Il s’agit d’infections virales incurables : les hépatites B, le virus de l’herpès, le VIH et les papillomavirus. Que disent les données en termes d’épidémiologie sur l’année 2021 ? L”incidence des IST sont toutes en hausse, notamment la blennorragie (gonorrhée), la syphilis et la chlamydiose. Allons plus loin avec les données actualisées de 2021 concernant 4 IST. Le VIH-SIDA Un total de 5,7 millions de sérologies ont été effectuées. Parmi elles, 5 000 découvertes de cas de séropositivité. Des données stables alors qu’une baisse avait été enregistrée entre 2019 et 2020. Parmi les patients ayant appris leur séropositivité, 51% avaient une orientation sexuelle hétérosexuelle, 44% étaient des hommes entretenant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), 2% des personnes transexuelles, 1% des usagers de drogues et moins d’1 des mineurs de moins de 15 ans. 29% des infections par le virus du SIDA ont été découvertes à un stade avancé. La Chlamydiae trachomatis 2,3 millions de personnes ont bénéficié au moins une fois d’un dépistage remboursé pour une infection à Chlamydiae trachomatis, soit 42 pour 1000 habitants et 70% des personnes testées étaient des femmes. A noter que le nombre de diagnostics a augmenté de 9% en 2019. Et qu’une très grande majorité de patientes (80%) avait été contaminée lors de rapports sexuels hétérosexuels.  Les infections à gonocoque 2,7 millions de patients ont bénéficié au moins une fois d’un dépistage remboursé d’une infection à gonocoque, soit 49 pour 1 000 habitants dont trois-quart de femmes. Depuis 2016, le nombre de cas de gonocoques augmente, et de façon plus marquée dans la population masculine. Les hommes entretenant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) représentent la majorité des cas : entre 53 et 70% selon les sites de dépistage (médecins généralistes ou CeGIDD, les Centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic). La syphilis 2,8 millions de patients ont bénéficié au moins une fois d’un dépistage remboursé d’une syphilis, soit 49 pour 1 000 habitants dont trois-quart de femmes. Le nombre de nouveaux de cette IST est stable depuis 2016. Et 75% de ces contaminations concernent des HSH. Projet de grossesse, grossesse, accouchement, allaitement Le rôle de la sage-femme auprès des femmes en projet de grossesse ou enceinte est d’informer du risque de transmission de certaines IST de la mère à l’enfant pendant la grossesse, pendant l’accouchement et pendant l’allaitement. Un droit ouvert depuis la publication du décret du 5 mars 2022 prévoyant une extension des compétences des sages-femmes. Dans le détail, il est entendu que les sages-femmes puissent prescrire de nouvelles molécules inscrites dans la liste des médicaments (ATB), dans le cadre de la gynécologie de prévention des femmes mais également des hommes. Les IST qui peuvent être dépistées et/ou traitées Quelles IST inscrites dans la liste du décret peuvent donc être dépistées et/ou traitées chez la femme et son partenaire homme ?  L'infection par le Virus de l’Immunodéficience humaine (VIH) L'infection par le virus de l’hépatite B (VHB) L'infection par le virus de l’hépatite C (VHC) La Syphilis En plus du dépistage, d’autres IST peuvent également être traitées chez la patiente et son partenaire homme, par la/le professionnel de la maïeutique :  L’infection à Chlamydia Trachomatis : chez la femme asymptomatique ou présentant une symptomatologie d’infection génito-urinaire basse   chez l’homme  asymptomatique Infection à Neisseria Gonorrhoeae : chez la femme asymptomatique ou présentant une symptomatologie d’infection génito-urinaire basse chez l’homme asymptomatique  Quid des IST qui peuvent être uniquement traitées chez la femme et l’homme partenaire, sans dépistage :  Trichomonas Vaginalis : chez la femme asymptomatique ou présentant une symptomatologie d’infection génito-urinaire basse chez l’homme asymptomatique Infection à Herpès génitale : chez la femme avec une symptomatologie génitale et en prévention des récurrences Viennent ensuite les IST qui peuvent être dépistées chez l’homme partenaire de la femme, examen suivi d’une orientation immédiate vers un médecin ou service spécialisé: Infection à Chlamydia Trachomatis : chez la femme asymptomatique ou présentant une symptomatologie d’infection génito-urinaire basse   chez l’homme  asymptomatique Infection à Neisseria Gonorrhoeae : chez la femme asymptomatique ou présentant une symptomatologie d’infection génito-urinaire basse chez l’homme asymptomatique  Le dépistage par la sage-femme : revue de détails La sage-femme pourra proposer à ses patientes un dépistage au Chlamydia trachomatis une fois minimum chez la jeune femme de 15 à 25 ans sexuellement active y compris les femmes enceintes. Si le test s’avère négatif et en cas de rapport sexuel non protégé avec un nouveau partenaire, le dépistage est à renouveler chaque année. Si le dépistage s’avère positif, le test est à renouveler 3 à 6 mois après le traitement. Par ailleurs, un dépistage opportuniste ciblé doit être proposé aux populations suivantes: Aux hommes sexuellement actifs avec FDR quel que soit l’âge Aux femmes de plus de 25 ans avec FDR Au femmes enceintes consultant pour une IVG quel que soit l’âge Les FDR correspondent à ces situations suivantes : multipartenariat (au moins deux partenaires différentes par an), changement de partenaire récent, partenaire diagnostiqué pour une autre IST, antécédent d’IST, HSH, situation de prostitution, population issue du milieu carcéral, victimes de viol. Zoom sur ces IST uniquement dépistables par les sages-femmes Le VIH : le virus du SIDA se transmet  par contact direct entre les muqueuses et les liquides corporels (sang, sperme, liquide pré-séminal, sécrétions vaginales, lait maternel). Le dépistage s’effectue par le test ELISA combiné de 4ème génération. Les résultats sont à confirmer par un second prélèvement si le premier s’avère positif. A noter que le délai de séroconversion est de 6 semaines. Le VHB : un virus très contagieux, cent fois plus que le VIH et 10 plus que le VHC. Sa transmission s’effectue par contact direct entre les muqueuses et liquides corporels (sang, sperme, liquide pré-séminal, sécrétions vaginales, lait maternel). La vaccination permet d’éviter la contamination. Cette dernière a été rendue obligatoire en 2018 pour tous les enfants. A noter que le délai de séroconversion peut aller jusqu’à 6 mois. Le VHC : sa transmission s’effectue par le sang de manière directe ou indirecte. A noter que le délai de séroconversion est de 2 à 3 semaines. Les résultats sont à confirmer par un second prélèvement. La syphilis : sa transmission s’effectue par le sang, le sperme, le liquide pré-séminal, les sécrétions vaginales, pendant la grossesse ou l’accouchement. Le dépistage s’effectue par test anticorps anti-tréponème : si VDRL + ( non spécifique au syphilis), il faut l’associer au TPHA. A noter que le délai de séroconversion peut aller de 3 à 5 semaines mais parfois plusieurs mois. Zoom sur ces IST uniquement dépistables et traitables par les sages-femmes 1. Le Chlamydia Trachomatis : la transmission se fait par le biais de relations sexuelles vaginales, anales ou orales et au cours de l’accouchement. Le dépistage est à effectuer une fois chez les femmes sexuellement actives entre 15 et 25 ans puis FDR (multipartenariat, RS non protégé, chgt partenaire, autre IST…) Des signes cliniques sont rapportés chez moins de 50% des cas chez les hommes et moins de 30% chez les femmes. Les femmes endurant particulièrement des douleurs, une dysurie pendant les rapports sexuels et/ou des leucorrhées jaunâtres ou sanglants et/ou des douleurs abdominales. Les hommes souffrent eux de picotements, de dysurie et/ou d’écoulement blanchâtre urétral ou rectal. La contagiosité de la Chlamydia Trachomatis existe même sans symptômes. Le dépistage s’effectue par prélèvement vaginal pour les femmes (en auto-prélèvement possible) ou par PCR urinaire 1er jet  (hommes et femmes ) +/- pour femmes et hommes par prélèvement rectal et/ou pharyngé. Quelles complications peuvent survenir des suites d’une Chlamydia Trachomatis ? Des douleurs abdominales chroniques, une inflammation de l’utérus, des trompes entraînant une infertilité ou G ectopiques sont rapportés dans la population féminin. La transmission s’effectue au moment de l’accouchement  augmentant le risque de pneumonie, de conjonctivites. Les hommes sont sur-exposés au risque d’inflammation de la prostate, des testicules, de l’épididyme engendrant des troubles de la fertilité.   Des traitement(s) et leviers de prévention existent dans la prise en charge de la Chlamydia Trachomatis La prescription d’azithromycine en dose unique (1g) ou doxycycline (100mg matin et soir 7 jours) L’usage de préservatifs toute la durée du traitement L’information du/des partenaire(s), de l’existence des tests et des traitements Un contrôle de l’efficacité du traitement à 3 et à 5 semaines 2. Le Neisseria Gonorrhoeae/Gonocoque (chaude pisse) : la transmission survient lors des relations sexuelles vaginales, orales ou anales et au cours de l’accouchement. Le dépistage est à effectuer une fois chez les femmes sexuellement actives entre 15 et 25 ans puis FDR (multipartenariat, RS non protégé, chgt partenaire, autre IST…) Des signes cliniques sont rapportés chez les femmes avec des douleurs, une dysurie et/ou des leucorrhées anormales  et/ou métrorragies notamment post-coïtales. Les hommes eux souffrent de picotements, de dysurie et/ou d’écoulement jaune ou verdâtre urétral ou rectal, de testicules douloureux et/ou gonflés.  Le dépistage s’effectue par prélèvement vaginal pour les femmes (en auto-prélèvement possible) ou par PCR urinaire 1er jet  (hommes et femmes ) +/- pour femmes et hommes par prélèvement rectal et/ou pharyngé. Quelles complications peuvent survenir des suites d’une Neisseria Gonorrhoeae ? Les femmes rapportent plus fréquemment des douleurs abdominales, une inflammation de l’utérus, des trompes entraînant une infertilité ou G ectopique. Pour les nouveau-nés, le sur-risque est celui d’une conjonctivite pouvant provoquer une cécité. Les hommes sont davantage sujets à la tuméfaction du scrotum, au rétrécissement de l’urètre et à l’infertilité. Des traitement(s) et leviers de prévention existent dans la prise en charge de la Neisseria Gonorrhoeae: Du Ceftriaxone 1g IM (penser à prescrire de quoi injecter!) ou 400 mg PO dose unique Le port de préservatifs pendant 7 jours. L’information du/des partenaire(s), de l’existence des tests et des traitements Un contrôle efficacité traitement à  5 semaines 3. Le Trichomonas vaginalis : la transmission survient lors des relations sexuelles vaginales, orales ou anales et au cours de l’accouchement.  Des signes cliniques sont rapportés chez les femmes avec des cas de vulvovaginite associés à des leucorrhées épaisses, abondantes, jaune vert, mousseuses odorantes (odeur de poisson), un prurit, des dyspareunies, des brûlures, une dysurie. Dans 50%des cas, le Trichomonas vaginalis reste asymptomatique.  Chez les hommes, cette IST va rester asymptomatique dans 90% des cas, s’exprimer pour les 10% de patients restants par des urétrites et une dysurie.  Le diagnostic s’effectue pour les femmes par des prélèvements vaginaux avec des tests d'amplification d'acides nucléiques. Et pour les hommes par des examens cytobactériologiques des urines (ECBU) ou par des prélèvements urétraux.  Quelles complications peuvent se déclarer chez les patients ? Les femmes comme les hommes voient leur risque augmenté de contracter ou de transmettre une  autre IST. Les femmes enceintes, elles, sont sur-exposées au risque d’accouchement prématuré et de contamination du nouveau-né.  Des traitement(s) et leviers de prévention existent dans la prise en charge du Trichomonas vaginalis : Pour les femmes : le Métronidazole 500 mg, deux fois par jour 7 jours PO (traitement de référence) Pour les hommes : le Métronidazole 2 g en dose unique PO Pour les hommes et pour les femmes : le secnidazole 2 g en dose unique PO Le port de préservatifs dans les 7 jours et le traitement du/des partenaires 4. L’herpès génital (le plus souvent HSV2) se transmet par des relations sexuelles vaginales ou anales par contact et au cours de l’accouchement. Le seul portage sans lésion est contaminant. Des signes cliniques se déclarent sous forme de prurit, de brûlure, de picotement, de douleur. Ou encore par l’apparition de vésicules en tête d’épingles et en bouquet quelques heures après. Les bulles se rompent et provoquent une érosion puis la formation d’une croûte qui finit par tomber en quelques jours. Lors des primo-infections, les lésions sont très douloureuses et associées à une adénopathie inguinale constante. Le diagnostic est d’ordre clinique.  Des traitements et leviers de prévention existent dans la prise en charge de l’herpès génital. Dans le cas de primo-infection, l’indication sera celle d’une antiviral PO  pendant 10 jours (aciclovir, valaciclovir ou famciclovir) En cas de récidives, la prescription sera celle d’un antiviral PO pendant 5 jours  L’association d’antalgiques est aussi à prendre en compte Des cas particuliers de papillomavirus (HPV) Certains HPV vont être responsables de condylomes génitaux pour certains et de potentiels cancer du col de l’utérus pour d’autres. Au total, 80% des hommes et des femmes rencontrent un ou plusieurs HPV dès lors qu’ils/elles ont une activité sexuelle. Il s’agit de l’IST la plus fréquente. Des condylomes génitaux provoqués par les HPV 6 et 11 engendrent ds lésions toujours bénignes, des verrues génitales de couleur variable blanc ou rosé, en relief et de consistance dure.  La durée d'incubation est de 3 semaines à 8 mois. Ces HPV s’avèrent très contagieux. Le port de préservatif n’étant pas totalement efficace, les récidives sont en effet très fréquentes. Les traitements chimiques, physiques ou chirurgicaux ne sont pas accessibles aux sages-femmes.   Des HPV cancéreux La contamination par HPV pouvant s’aggraver en cancer correspond aux HPV 16, 18, 31, 33, 45, 52 et 58. Les plus à risque étant les HPV 16 et 18. Ces HPV sont également porteurs d’une forte contagiosité.  Dans 90% des cas, l’infection disparaît spontanément dans les 2 ans suivant la contamination. La persistance peut en revanche engendrer l’apparition d’anomalies des cellules du col de l’utérus qui peuvent donc évoluer en lésions pré-cancéreuses puis en cancer si aucun traitement n’est mis en place. Cette évolution est lente :  entre l’infection et l’apparition de lésions pré-cancéreuses puis cancéreuses, il peut s’écouler 10 à 20 ans. La vaccination reste le principal levier de prévention contre les HPV. Elle est recommandée pour toutes les jeunes filles et tous les jeunes garçons de 11 à 14 ans (2 doses) avec un rattrapage possible entre 15 et 19 ans (3 doses), quelle que soit l’activité sexuelle. Pour les HSH, la vaccination est recommandée jusqu’à l’âge de 26 ans. Le Gardasil 9 est le vaccin indiqué contre les génotypes 6, 11, 16, 18, 31, 33, 45, 52 et 58 du HPV (condylomes et HPV oncogènes).  Le dépistage organisé est accessible de 25 à 65 ans avec recherche des  HPV à partir de 30 ans. Le rôle des sages-femmes dans la prévention des HPV Le rôle essentiel de  la sage-femme se situe du côté de la vaccination auprès des jeunes filles/femmes et des femmes pour leurs enfants (filles et garçons). Cette stratégie s’adresse en première ligne pour le dépistage du cancer du col par FCV puis recherche de  HPV avec un rôle d’information. A ce jour, ni la colposcopie ni le traitement ne sont accessibles aux sages-femmes. D’où l’intérêt du travail en réseau.  En conclusion Les sages-femmes disposent de compétences nouvelles : elles deviennent de véritables actrices de la santé sexuelle pour les hommes et les femmes. Mais des limites dans l’exercice subsistent. Une question se pose : “à quand le début de l’évolution du droit de prescription, et dans un certain rêve, à quand la suppression de la liste des traitements ?” interroge Laure Sénamaud.   

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