Publié le 16 déc 2019Lecture 3 min
Paracétamol et grossesse, quelques soupçons de plus
Catherine VICARIOT, Meung-sur-Loire
Plus de la moitié des femmes aux USA ou en Europe prennent du paracétamol pendant leur grossesse. Le paracétamol (acétominophène ou APAP) est l’antalgique et l’antipyrétique le plus utilisé par les femmes enceintes, et il est fréquemment prescrit aux enfants.
Plusieurs études menées depuis quelques années ont mis en doute l’innocuité de ce produit durant la grossesse, et son usage a été associé à différents risques pour l’enfant : asthme, cryptorchidie et troubles du développement neurologique, tels que le trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), ou que les troubles du spectre de l’autisme (TSA). Ces études ne suivaient pas toutes une méthodologie rigoureuse : elles étaient souvent menées à partir des déclarations des mères, sans précision des doses et des durées, et omettaient de nombreuses covariables. Les recommandations, tant aux USA qu’en France (CRAT), n’ont pas été modifiées, se limitant à encourager une utilisation à la « dose minimum efficace » et pour une « durée la plus brève possible »
Une étude de cohorte prospective a été conduite aux USA à partir de la « Boston Birth Cohort » : 996 couples mères-enfants ont été inclus dès l’accouchement, puis suivis au Boston Medical Center entre 1998 et 2018 afin d’évaluer le risque de troubles du développement neurologique de l’enfant en fonction des taux d’APAP et de deux de ses métabolites (glucuronide et 3-N-acetyl-L-cystein-S-yl), dans le sang du cordon lors de la naissance.
Les 996 enfants, à un âge moyen de 10 ans, ont été répartis en 5 groupes en fonction de leur développement neurologique : TDAH 257 (25,8 %), TSA 66 (6,6 %), TDAH+TSA 42 (4,2 %), « autres troubles du développement neurologique » 304 (30,5 %), et «développement neurologique normal » 327 (32,8 %).
Une exposition à l’APAP pour tous, mais pas aux mêmes doses
L’APAP a été détecté dans tous les prélèvements de sang du cordon.
Les taux d’APAP et de ses métabolites les plus élevés (3e tertile) étaient retrouvés dans 43,2 % des cas dans le groupe TDAH, 43,9 % dans le groupe TSA, et 27,2 % dans le groupe développement neurologique normal.
Les groupes TDAH et TSA avaient des taux d’exposition à l’APAP et ses métabolites dans le sang du cordon plus élevés que les groupes « autres troubles du développement neurologique » ou « développement neurologique normal ».
Dans le groupes TDAH et TSA, les mères présentaient des caractéristiques différentes de celles du groupe développement neurologique normal : IMC plus élevé, stress plus important durant la grossesse, et étaient plus souvent (ex-)fumeuses ou consommatrices d’alcool. Les enfants du groupe TDAH et TSA étaient plus souvent des garçons, ils étaient plus souvent nés prématurément, et avaient plus souvent un petit poids de naissance que les enfants du groupe développement neurologique normal.
L’exposition fœtale à l’APAP et ses métabolites était associée de manière positive avec le diagnostic de TDAH, (odds ratios de 1,69 à 2,88) et de TSA (odds ratios de 1,38 à 3,72), et cette association était dose-dépendante pour l’APAP.
Les analyses de sous-groupes, selon l’indication de la prescription maternelle, la consommation maternelle de stupéfiants, la prématurité de l’enfant, l’âge et le sexe de l’enfant, ont retrouvé régulièrement une association positive entreles taux d’APAP et ses métabolites et les risques de TDAH (ORs : 2,3 à 3,5) pour, et de TSA (ORs : 1,6 à 4,1).
Des capacités métaboliques limitées pourraient-elles favoriser la persistance de l’APAP dans l’organisme fœtal et exposer le cerveau à sa toxicité ? Existe-t-il une vulnérabilité cérébrale particulière à l’APAP en période périnatale chez l’enfant ? Autant de questions qui attendent des réponses.
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