Publié le 19 mai 2020Lecture 6 min
Alimentation végétale et maternité
Marie Bedos, Montpellier
Avec l’émergence de différents régimes alimentaires alternatifs qui concernent notamment les femmes en âge de procréer, les professionnels de santé seront probablement confrontés à la prise en charge de patientes végétaliennes enceintes qui se poseront des questions à propos de leur alimentation et celle de leur enfant. Le but de cet article est de donner un résumé des notions clés aux professionnels de santé pour permettre un bon accompagnement.
Pour rappel, un végétarien ne consomme pas de chair animale, c’est-à-dire ni viande ni poisson, et un végétalien ne consomme aucun produit d’origine animale, il exclut donc également les œufs et les produits laitiers de son alimentation.
Les recommandations
À l’heure actuelle, les recommandations françaises sont encore incomplètes à ce sujet. Mais Outre-Atlantique, The Academy of Nutrition and Dietetic (AND) aux États-Unis a indiqué dès 1987 que les « alimentations végétariennes correctement menées dont le végétalisme, sont saines, adéquates sur le plan nutritionnel […]. Bien menées, [elles] sont adaptées à tous les stades de la vie, notamment aux femmes enceintes, aux femmes qui allaitent, aux nourrissons, aux enfants, aux adolescents ainsi qu’aux sportifs ». L’institution des Dietitians of Canada va également dans ce sens.
Au Royaume-Uni, The British Nutrition Foundation affirme aussi qu’une alimentation végétalienne bien menée et équilibrée peut être adaptée sur le plan nutritionnel.
Le patient végétalien
Chez le patient végétalien, le seul nutriment à risque de carence est la vitamine B12 puisque cette vitamine n’est pas retrouvée dans le règne végétal. Ainsi, la supplémentation en vitamine B12 est obligatoire pour le patient végétalien et est fortement recommandée pour le patient végétarien.
Il convient d’être attentif aux apports en vitamine D et en iode, mais ces carences ne sont pas spécifiques au patient végétalien et peuvent concerner la population générale.
En comparaison à la population générale, une légère baisse des réserves est observée pour le fer et le zinc bien que les apports alimentaires soit suffisants. Cela s’explique par le fait d’une moins bonne biodisponibilité de ces nutriments lorsqu’ils sont apportés par les végétaux. En revanche, il n’y a pas de différence observée pour le calcium.
Les acides gras essentiels de type oméga-3, acide docosahexaénoïque (DHA) et acide eicosapentaénoïque (EPA) sont trouvés exclusivement dans les poissons gras. Cependant, ils peuvent être apportés par l’alimentation sous forme d’acide alpha-linolénique (huiles de lin, colza et noix). Ce dernier sera converti par l’organisme en EPA et DHA.
Les protéines ne sont pas à proprement critiques dans l’alimentation végétale puisqu’il est aisé d’en retrouver en grande quantité dans ce type d’alimentation. Les besoins journaliers en protéines représentent 10 à 20 % de la ration calorique quotidienne pour la population générale. Bien évidemment, les besoins en protéines varient selon l’âge, le sexe et l’activité physique. Les protéines végétales sont victimes, à tort, de croyances les discréditant face aux protéines animales ; elles sont en effet considérées comme « incomplètes ». Cette idée a introduit la notion de complémentation des protéines qui consiste à consommer lors du même repas des légumineuses et des féculents, afin de pallier à l’acide aminé limitant. Il a désormais été montré que cet équilibre pouvait être trouvé au cours de la journée voire de la semaine et que tout aliment contient le cortège complet d’acides aminés, y compris essentiels.
Les spécificités de la grossesse et de l’allaitement
Il est important de s’assurer que les apports alimentaires quotidiens soient suffisants pour assurer les besoins de la femme et ceux nécessaires à la croissance du fœtus. Chez la femme enceinte, il faut être particulièrement vigilant quant à l’apport d’acide folique, de fer et de vitamine D. Chez la femme enceinte végétalienne, il faut aussi être attentif aux apports en calcium, zinc et surtout en vitamine B12.
Pendant l’allaitement, il est tout aussi important de s’assurer que la mère ait un apport suffisant des différents nutriments puisque cette manière d’alimenter son bébé va la faire puiser dans ses réserves afin de produire un lait maternel riche en nutriments. La proportion des différents types d’acides gras, des vitamines et minéraux contenus dans le lait maternel dépendent directement de l’alimentation de la mère. Il existe peu de données précises concernant l’alimentation au cours de la lactation. De manière globale, les recommandations valables pour la grossesse s’appliquent à cette période et les besoins nutritionnels sont similaires à ceux de la grossesse.
Idéalement, il faudrait s’alimenter en suivant le modèle de cette pyramide nutritionnelle.
Figure 1. Pyramide nutritionnelle de l’alimentation végétale
L’accompagnement pédiatrique
Pour le nourrisson, l’aliment le plus adapté est le lait maternel, tout en s’assurant que la mère allaitante réalise bien ses apports nutritionnels en vitamine B12, vitamine D, fer et acide gras oméga-3, surtout pour le DHA. L’OMS recommande un allaitement maternel exclusif jusqu’au six mois de l’enfant. De six mois à deux ans, voire plus, l’allaitement doit être complété par une autre alimentation.
Il existe des préparations pour nourrissons à base de protéines végétales (riz ou soja) qui sont à différencier des boissons végétales classiques qui ne sont qu’un mélange d’eau et de graines. Ces préparations pour nourrissons sont soumises aux mêmes exigences que celles à base de protéines de lait de vache et sont adaptées aux besoins nutritionnels du nourrisson. À l’heure actuelle, la Société française de pédiatrie (SFP) ne recommande l’utilisation de ces préparations qu’en cas d’allergies aux protéines de lait de vache.
Pour la diversification alimentaire, il est nécessaire d’être attentif aux apports en protéines, oméga-3, calcium, fer, zinc, iode, vitamine B12, vitamine D. Ces deux dernières vitamines doivent être apportées par supplémentation. À ce jour, il n’existe encore que peu d’études portant sur le développement des enfants végétaliens mais une étude menée en 2005 au Royaume-Uni a montré que le développement des enfants végétariens suivait des courbes normales.
En pratique
Manger varié permet de répondre à tous les besoins en nutriments essentiels : il est important de varier les céréales, légumineuses, oléagineux, fruits et légumes consommés.
Un patient végétalien ou végétarien doit être systématiquement supplémenté en vitamine B12, à hauteur de 10 à 50 µg par jour ou une dose hebdomadaire de 2 000 µg.
Il peut être judicieux de conseiller la consommation d’une huile de lin enrichie en DHA et d’informer que la vitamine C permet d’améliorer l’assimilation du fer par l’organisme.
En cas de doute quant à l’équilibre nutritionnel, il ne faut pas hésiter à proposer une prise en charge en collaboration avec un diététicien, qui pourra rééquilibrer le régime alimentaire.
Points clés
Les alimentations végétariennes correctement menées dont le végétalisme, sont saines et adéquates sur le plan nutritionnel et adaptées à tous les stades de la vie.
Le seul nutriment qui n’est pas retrouvé dans l’alimentation végétale est la vitamine B12.
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