Publié le 25 oct 2021Lecture 4 min
Exposition prénatale aux antipsychotiques, ne pas (trop) s’inquiéter
Dr Pierre MARGENT
Les antipsychotiques, tant de première que de seconde génération sont, de plus en plus souvent prescrits chez des femmes enceintes. Or leur innocuité dans ce contexte est incertaine.
Ils ont, notamment, été accusés d’exposer à un risque accru de complications à la naissance et de troubles comportementaux parmi lesquels les troubles du spectre autistique (TSA) et de déficit d’attention/hyperactivité (TDAH) ou encore à un retard de croissance in utero. Peu d’études ont été consacrées à cette question, d’autant que les femmes enceintes sont habituellement exclues des essais cliniques randomisés.
Wang et collaborateurs ont mené une étude observationnelle, dans le but de préciser les associations entre exposition aux antipsychotiques chez la mère et complications néonatales ou neurocomportementales chez l’enfant. Ils ont également tenté de déterminer le rôle des facteurs génétiques et comportementaux par l’étude des fratries. Leur travail a reposé sur le Clinical Data Analysis and Reporting System qui regroupe les données médicales de plus de 7,4 millions de résidents hongkongais. Toutes les femmes enceintes, entre 15 et 50 ans, ayant accouché entre le 1er Janvier 2001 et le 31 Décembre 2015 figurent dans ce registre. Le suivi a été de 6 ans minimum afin de déceler les troubles à type de TDAH, souvent de révélation tardive. La détermination de l’âge gestationnel a été faite sur la première échographie obstétricale. La période d’exposition considérée allait des dernières règles à la naissance, avec étude séparée de la phase précoce (0 à 90 jours après les dernières menstruations), secondaire (entre 91 et 180 jours) et lors du dernier trimestre de gestation (181 jours jusqu’à la date de l’accouchement). Seuls les antipsychotiques ont été étudiés, le lithium étant exclu. Les enfants ont été classés en plusieurs groupes : ceux dont les mères n’avaient jamais pris d’antipsychotiques (non exposés), ceux dont les mères avaient été traitées mais avant leur gestation (exposition passée) et ceux dont les mères avaient été traitées durant leur grossesse (exposition récente). Plusieurs covariables ont été incluses dans l’analyse : les antécédents psychiatriques maternels, l’âge de la mère lors de l’accouchement, la date de celui-ci, le lieu de naissance, le sexe de l’enfant, la parité, les comorbidités somatiques maternelles et le statut socio-économique. Les paramètres analysés étaient le taux de naissance avant terme (< 37e semaine), un poids petit pour l’âge gestationnel (PAG < 2 déviations standard), l’incidence des TDAH et TSA chez l’enfant.
Pas de risque accru de TSA, TDAH, PAG et prématurité
La cohorte se compose de 411 251 paires mère-enfant, dont 333 749 pour l’étude du TDAH. Globalement, il y a eu 706 enfants (0,17 %) exposés entre 2001 et 2015 aux antipsychotiques avant leur naissance. Respectivement 27 d’entre eux (3,82 %), 92 (13,03 %) et 19 (2,69 %) ont été classés TSA, prématurés ou de petit poids à la naissance. Parmi les 547 (0,16 %) exposés, entre 2001 et 2013 durant la grossesse, 45 (8,23 %) ont développé un TDAH. Le Hazard ratio (HR) est calculé à 1,16 (intervalle de confiance à 95 % IC : 0,83- 1,61) pour le TDAH, et à 1,06 (IC : 0,70- 1,60) pour le TSA.
L’Odd Ratio (OR) est, respectivement, de 1,40 (IC : 1,13- 1,75) pour les naissances avant terme et de 1,36 (IC : 0,88- 2,14) pour les petits poids selon l’âge gestationnel, dans la comparaison entre enfants exposés durant la grossesse et ceux non exposés.
Des analyses additionnelles ne retrouvent pas d’association lorsque l’on compare les femmes exposées durant leur gestation et celles ayant eu une exposition passée : TDAH avec un HR à 0,59 (IC : 0,60- 1,61), TSA : HR à 1,10 (IC :0,58- 2,08), naissance avant terme : OR : 0,93 (IC : 0,70- 1,24), petit poids : OR 1,21 (IC : 0,66- 2,10). Il en va pareillement dans les analyses avec appariement sur les fratries. Même chez les femmes les plus exposées, traitées par antipsychotiques durant toute leur grossesse, on ne peut retrouver d’association entre prise médicamenteuse et risque accru.
En résumé, ce travail suggère qu’il n’existe pas de risque accru de troubles du développement neurocomportemental ou de complications à la naissance en cas d’exposition prénatale de la mère aux antipsychotiques. Par contre, les enfants de mères ayant des pathologies psychiatriques, même non exposés à ce type de médicaments durant la grossesse, présentent un plus grand risque. Ces résultats recoupent ceux de Petersen (Health Techno Asess, 2016) et ceux d’une étude de population parue dans le BMJ en 2015 qui n’avaient pas retrouvé non plus d’association significative. Ainsi, chez les femmes enceintes en cours de traitement, les cliniciens n’ont pas à arrêter préventivement les traitements en cours dans la crainte d’un TDAH, TSA, d’une naissance avant terme ou d’un petit poids à la naissance.
En conclusion, les données de cette étude ne plaident pas en faveur d’une association entre exposition prénatale aux antipsychotiques et risque de TDAH, de TSA, de naissance avant terme ou de petit poids rapporté à l’âge gestationnel. Toutefois, on doit se souvenir que le risque est accru chez les femmes ayant des antécédents psychiatriques, même quand elles n’ont pas été traitées par antipsychotiques. Les praticiens se doivent donc d’informer le plus précisément possible, les femmes désirant mener une grossesse des bénéfices et des risques potentiels des antipsychotiques en période de gestation.
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