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Infections, pathologies, maladies dans le cadre de la grossesse

Publié le 17 juin 2024Lecture 8 min

VIH et grossesse, de réelles avancées

Denise CARO, d’après la communication du Dr Pascale Leclercq (Grenoble)
VIH et grossesse, de réelles avancées

L’espérance de vie d’un patient VIH dépisté avant le stade de SIDA et dont le virus est contrôlé par les antirétroviraux est quasi identique à celle de la population générale. Cela donne la mesure des progrès réalisés en matière d’infection VIH depuis l’apparition de la maladie dans les années 1980. Cela vaut surtout pour les pays riches, car le contrôle de la pandémie repose sur un dépistage et une prise en charge rigoureux des patients.

On estime que 39 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde (53 % de femmes et 1,5 million d’enfants de moins de 14 ans). En Afrique subsaharienne, cela concerne 26 millions d’individus. En 2022, le VIH a fait 600 000 morts, et on compte 1,3 million de contaminations, dont 100 000 transmissions materno-fœtales (avec 50 % de décès de l’enfant avant 2 ans en l’absence de traitement). Ces chiffres encore inquiétants pourraient être largement améliorés, si la «cascade des 95 %» était atteinte. Son objectif : 95 % de personnes séropositives dépistées, 95 % d’entre elles traitées, et 95% des personnes traitées avec un virus contrôlé. En France, 5 000 nouveaux cas sont dépistés chaque année (dont 1/3 à stade évolué) ; 51 % sont des patients hétérosexuels (36 % nés à l’étranger, 15 % nés en France) et 44 % des patients homosexuels (32 % nés en France et 12 % nés à l’étranger). En 2016, 45 % des hommes et 38 % des femmes n’avaient jamais eu de dépistage VIH. La maîtrise de la transmission mère-enfant Les progrès concernant la transmission mère-enfant sont notables, grâce notamment au dépistage anténatal de toutes les patientes enceintes, l’idéal étant que les femmes soient aussi dépistées avant la grossesse ainsi que leur conjoint. La découverte de la séropositivité de la mère implique la mise en route d’un traitement anti-rétroviral (ARV) qui devra être poursuivi après l’accouchement et toute la vie. Il convient de suivre la charge virale (CV) de façon répétée à 3 mois de grossesse, à 6 mois puis tous les mois; en cas de risque d’accouchement prématuré le contrôle mensuel de la CV sera débuté plus tôt. La CV est dite indétectable idéalement pour moins de 50 copies/ml (éventuellement < 200) dans les paysriches; l’OMS admet le seuil de 1000 copies/ml. Si la CV est indétectable, il n’y a pas d’indication de césarienne, et les procédures obstétricales peuvent être allégées. Le nouveau-né bénéficiera d’un traitement ARV post-exposition pendant 2 à 4 semaines. Si la CV est détectable peu avant l’accouchement, on essaie de retarder un peu celui-ci et on met en place des procédures renforcées pour la mère et le nouveau-né (entre autres l’interdiction d’allaitement maternel) En appliquant ces recommandations, on est passé de 15 % à 35 % (selon les études) avant les traitements actifs de femmes séropositives qui transmettaient le virus au bébé à moins de 1 %. Si la charge virale est indétectable, il est certain que l’enfant n’est pas infecté (U = U undetectable = untransmissible). Le risque de transmission est légèrement plus élevé en cas de prématurité : 2,06 % chez les prématurés sévères (< 32 semaines), 1,34 % en cas de prématurité modérée (32-36 semaines) et 0,54 % chez les enfants nés à terme (p < 0,001). D’après le Dr Leclercq, on estime que «le surrisque lié à la prématurité a quasiment disparu». Le choix du traitement pendant la grossesse «Le choix des ARV chez la femme enceinte dépend des pays, a précisé le Dr Leclercq. En France, on donne généralement deux inhibiteurs de la transcriptase inverse (INTI) et un inhibiteur de l’intégrase ou un inhibiteur de la protéase. Chez une femme pas encore traitée, on débute le plus précocement possible, quel que soit le terme de la grossesse. Bien sûr, il faut poursuivre le traitement ARV après l’accouchement.» Un certain nombre de règles doivent être rappelées.Concernant les INTI, l’association abacavir + lamivudine est évitée en cas d’HLA B5701 et celle de ténofovir + emtricitabine est choisie s’il y a une co-infection avec le virus de l’hépatite B. Pour les traitements débutés tardivement (3e trimestre) on choisira un inhibiteur de l’intégrase + 2 INTI. L’éfavirenz est contre-indiqué avant 12 semaines d’aménorrhée; le dolutégravir, soupçonné un temps de provoquer des anomalies de la fermeture du tube neural, peut aujourd’hui être prescrit sans risque. Il faut surveiller les concentrations plasmatiques de la rilpivirine, et l’elvitégravir est contre-indiqué en raison de concentrations insuffisantes pendant la grossesse. Enfin, on n’a pas suffisamment de données de tolérance concernant l’étravirine, le TAF et le bictégravir. «Si la femme était déjà traitée avant la grossesse, on essaie de ne pas modifier le traitement sauf contre-indication. L’important est que la patiente continue son traitement sans interruption, a expliqué le Dr Leclercq. Enfin, chez les mères porteuses du virus de l’hépatite B, ce qui est fréquent chez les femmes africaines, il faut penser à vacciner le nouveau-né.» En dépit des progrès des stratégies thérapeutiques, 100000 enfants sont encore infectés par le VIH chaque année dans le monde. Les principales causes sont l’absence ou le début trop tardif de traitement ARV, l’absence de dépistage, et une primo-infection pendant la grossesse ou l’allaitement. «Il y a un surrisque de transmission du VIH pendant la grossesse et l’allaitement: au début d’une grossesse, le risque est multiplié par 2, en fin de grossesse par 3 et pendant l’allaitement par 4», a rappelé le Dr Leclercq. En France, les transmissions mère/enfant sont principalement dues à la contamination des femmes pendant la grossesse. Une primo-infection à ce moment-là est un risque majeur de contamination de l’enfant, d’où l’intérêt de refaire une sérologie au 6e mois de grossesse. Quel suivi pour un enfant né d’une mère VIH ? Un traitement post-exposition est prescrit aux enfants nés de mères VIH, généralement la névirapine pendant 2 semaines ou l’AZT pendant 4 semaines. Si le risque de transmission mère-enfant est élevé, le traitement doit être renforcé : chez les bébés nés à terme, on prescrit de l’AZT + lamivudine pendant 4 semaines et névirapine pendant 2 semaines; le traitement est le même chez les prématurés en adaptant les doses d’AZT ; si le traitement oral n’est pas possible, on choisira l’AZT IV et la névirapine H0-H48 et J6, puis le relais oral sera pris dès que possible. Les vaccinations à faire sont celles du calendrier habituel, à l’exception du BCG ; le vaccin pneumococcique est renforcé (3 + 1); et si la mère est infectée parHBV, il faut vacciner le nouveau-né. L’enfant devra avoir deux PCR VIH négatifs, dont une au moins un mois après l’arrêt du traitement postexposition. En cas d’allaitement, ilfaut poursuivre les dosages réguliers de la CV chez la mère et chezl’enfant et traiter par ARV s’il y a infection. La sérologie VIH de l’enfant se négative vers l’âge de 18-24 mois. L’interdiction d’allaiter aux mères VIH, comme c’était l’usage jusqu’à récemment dans les pays occidentaux, a plusieurs raisons : on dispose de laits maternisés de bonne qualité, un bébé non infecté doit le rester, le risque de transmission résiduel est non nul, celui de toxicité des ARV également. Mais de plus en plus d’études (d’Afrique subsaharienne notamment) témoignent d’un taux de transmission extrêmement bas lors de l’allaitement si la CV de la mère reste indétectable. Celle-ci doit être contrôlée chez la maman un mois après accouchement puis tous les 3 mois. Il n’y a pas d’indication pour un traitement ARV continu chez le bébé. Et on n’a pas signalé de problèmesparticuliers(virologiques ou toxicité) liés à l’exposition du bébé aux ARV via le lait maternel. «En cas d’allaitement, le diagnostic de non-contamination de l’enfant est retardé; une dernière CV est faite un mois après la dernière tétée, a précisé le Dr Leclercq. De plus, l’allaitement exige une bonne compliance de la mère à son traitement et l’absence de mastite. Il faut aussi que l’allaitement soit strict sans aliment solide entre 0 et 4 mois.» Les bénéfices des traitements préventifs et prophylactiques Deux stratégies de prises en charge ont révolutionné la lutte contre l’épidémie de VIH. La première, nommée «TasP» (Treatment as Prevention) permet à un patient traité et ayant une CV sanguine indétectable depuis plus de 6 mois de ne plus transmettre de virus, dès lors qu’il poursuit son traitement. La seconde, dite « PrEP » (PreExposure Prophylaxis), est fondée sur le fait que la présence d’ARV sur le site d’un (éventuel) contact avec le VIHeffondre le risque d’acquisition du virus. En pratique, concernant la PrEP, la voie orale ou injectable est préférable à la voie rectale ou vaginale; ce sera le ténofovir + FTC per os ou le cabotégravir injectable. Il s’agit d’une prescription hospitalière, par un CeGIDD ou par un médecin généraliste. Le traitement ténofovir + FTC per os peut être administré en continu tous les jours. En France, la tendance est de choisir une prescription à la demande : 2 comprimés entre H24 et H2 avant le rapport exposant, puis 1 comprimé par jour tous les jours d’activité sexuelle, plus 1 jour. Ce protocole n’est pas valable chez la femme. En effet, chez elle, une concentration suffisante de ténofovir dans les sécrétions vaginales est plus longue à être obtenue et à se stabiliser; cela prend une semaine environ, ce qui laisse peu de place à une utilisation occasionnelle… « Des premiers résultats concluants ont été enregistrés chez des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes dans les pays riches», a rappelé le Dr Leclercq. La PrEP injectable avec long acting consiste en une injection IM de cabotégravir (anti-intégrase) tous les 2mois. «C’est l’avenir en particulier en Afrique», a estimé le Dr Leclecq. L’objectif de l’OMS était de 3 millions de PrEP en 2020 et 10 millions en 2025. Fin 2021, on en était à 1,6 million, principalement aux USA et en Afrique. En France, au 1er semestre 2022, 42 000 traitements avaient été distribués (soit 40 % d’augmentation par rapport à 2021). Cela concerne plutôt la population urbaine (72 % dans villes > 200000) et les hommes(97 %). Bien qu’en nette progression, la PrEP ne représente que 2,6 % des prescriptions chez la femme, alors que 36 % des nouveaux diagnostics VIH sont faits dans cette population. «Nous disposerons bientôt d’une PrEP injectable tous les 2 mois et un peu plus tard tous les 6 mois, a précisé le Dr Leclercq. On devrait également obtenir une extension d’indication à toute personne se sentant à risque d’attraper le VIH. Mais attention la PrEP ne marche que si on en respecte strictement le protocole. Un programme de formation est disponible sur le site de la Société française de lutte contre le sida. *» Publié dans Gynécologie Pratique * www.formaprep.org D’après la communication du Dr Pascale Leclercq (Grenoble), FIGO 2023.  

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