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Gynécologie de l'adolescente

Publié le 21 déc 2008Lecture 9 min

La contraception des adolescentes

L’âge de la ménarche a baissé de 4 mois environ tous les 10 ans depuis 1840, passant de 17 ans à moins de 13 ans dans de nombreux pays européens et aux États-Unis. L’âge du premier rapport sexuel diminue régulièrement depuis un demi-siècle. Il est de 17,6 ans chez les femmes et de 17,2 ans chez les hommes, selon une enquête INSERM (mars 2007). Lors des deux premières années post-ménarche, la moitié des cycles sont ovulatoires et 80 % des cycles sont irréguliers, variant de 21 à 45 jours (Trelor, 1967, Vollman, 1977, cités par I. Nisand, Genesis, septembre 2008). La spécificité de la contraception des adolescentes et des adolescents sexuellement actifs est évidente pour des raisons psychologiques et comportementales dont il faut tenir compte.

Le taux d’échecs des différentes méthodes contraceptives est nettement plus élevé chez les adolescentes que chez les femmes plus âgées. Plusieurs raisons peuvent expliquer ces échecs : une fertilité intrinsèque très élevée, des rapports sexuels plus fréquents et, surtout, une moins bonne observance de la contraception du fait d’une inexpérience des méthodes contraceptives et/ou de raisons comportementales. Choix d’une contraception En France, les méthodes contraceptives principalement utilisées par les 18-24 ans figurent au tableau ci-après(1). On peut noter le très fort taux d’utilisation de la pilule à cet âge : 54 à 68 %. Les méthodes déconseillées Méthodes naturelles Retrait, Ogino-Knaus, température, Billings ne sont pas des méthodes adaptées aux adolescentes, dont la fertilité est élevée, qui ont fréquemment des cycles irréguliers (rendant difficile toute abstinence périodique), une sexualité souvent imprévisible et qui ont particulièrement besoin d’être protégées contre les IST. Le médecin doit néanmoins aider le petit nombre d’adolescentes qui, très motivées par leur éthique ou leur désir d’utiliser des méthodes naturelles, adoptent ces procédés. Elles en tireront alors le meilleur résultat possible. Méthodes vaginales Sauf exception, le diaphragme, les capes cervicales classiques ou modernes et les spermicides utilisés seuls comme méthode principale de contraception ne constituent pas le premier choix contraceptif pour les adolescentes. Ces méthodes sont, en effet, insuffisamment efficaces, astreignantes, fréquemment associées à une mauvaise observance et gênent toutes, plus ou moins, la spontanéité des rapports sexuels. Le diaphragme protège néanmoins contre le cancer et les lésions précancéreuses du col utérin, ce qui peut être précieux chez certaines adolescentes dont le partenaire ne veut utiliser ni le préservatif masculin ni le préservatif féminin. Une méthode à discuter : le dispositif intra-utérin Il est habituel de dire que l’adolescente n’est pas l’utilisatrice idéale du DIU, dont l’avantage essentiel est qu’il ne pose aucun problème d’observance. Les inconvénients du DIU à cet âge sont théoriquement nombreux : moins bonne tolérance (douleurs, métrorragies, expulsions plus fréquentes) et, surtout, risque infectieux pelvien en principe plus élevé que chez les adultes du fait de la prévalence élevée des IST à cet âge. Or, on doit absolument protéger la fertilité ultérieure des jeunes nullipares. Malgré ces réserves, le dispositif intra-utérin n’est pas contre-indiqué chez les adolescentes, selon l’OMS qui n’émet aucune réserve quant à l’utilisation des DIU chez les nullipares même jeunes(2). Il n’est pas non plus contre-indiqué en France chez les nullipares, selon l’AFSSAPS, l’ANAES et l’INPES(3) qui précisent, dans leurs recommandations pour la pratique clinique que « les dispositifs intra-utérins ne sont pas uniquement destinés aux femmes ayant un ou des enfant(s) et qu’un DIU peut être proposé à toute femme dès lors que les contre-indications sont prises en compte, que les risques infectieux et de grossesse extrautérine ont été évalués et écartés et que la femme est informée des risques potentiels… ». Faut-il alors continuer de contre-indiquer systématiquement les DIU chez les jeunes ? Ma réponse est non à condition de choisir un DIU approprié (de petite taille), qu’il soit au cuivre ou au lévonorgestrel (nous attendons tous un mini Mirena® et le « Femilis®(4)), de pratiquer systématiquement une recherche de Chlamydia trachomatis (et d’autres IST, selon leur prévalence) avant la pose du DIU, d’insister sur la prophylaxie des IST et de surveiller particulièrement étroitement ces jeunes utilisatrices de DIU. Les méthodes conseillées Préservatif masculin Les avantages essentiels du préservatif masculin chez l’adolescente sont son effet protecteur contre les IST (VIH inclus), les lésions précancéreuses et le cancer du col utérin, ainsi que son efficacité contraceptive très acceptable s’il est parfaitement utilisé. Cependant, les adolescents sont rarement de parfaits utilisateurs de préservatifs qui semblent responsables d’un grand nombre d’IVG dans les centres d’orthogénie, essentiellement du fait d’une utilisation inconstante. Cela explique le taux relativement faible d’utilisation du préservatif comme méthode principale de contraception chez les adolescentes en France et en Europe de l’Ouest, taux qui a néanmoins augmenté sensiblement depuis l’apparition du sida. La proportion des premiers rapports sexuels (des adolescentes) protégés par le préservatif a, elle, nettement augmenté en France, passant de 8 % en 1987 à 45 % en 1993. On insiste de plus en plus sur le message de « double protection » (préservatif + la méthode de contraception adoptée) chez l’adolescente à risque d’IST : pilule et préservatif par exemple (Double Dutch des Hollandais, qui ont un taux d’IVG chez les adolescentes très faible). Pour les mêmes raisons, d’autres associations telles que préservatif utilisé parfaitement et contraceptif d’urgence mériteraient également d’être envisagées chez les jeunes qui n’utilisent pas la pilule. Préservatif féminin Le préservatif féminin en polyuréthane disponible dans plusieurs pays, notamment européens dont la France, semble avoir une efficacité comparable à celle des autres méthodes barrières de contraception, mais son acceptabilité paraît médiocre, en particulier chez les adolescentes. Cependant, pour celles qui sont à haut risque d’IST (en particulier VIH) et dont le partenaire refuse le préservatif masculin, il est la seule alternative valable. Les prescripteurs de contraception devraient s’y intéresser davantage. Méthodes injectables Les progestatifs injectables retards, contraception trimestrielle (Depo-Provera® = médroxyprogestérone acétate [DMPA], 150 mg) ont des indications rares en France à cet âge (essentiellement les adolescentes à haut risque de nonobservance) en raison de leurs fréquents effets secondaires (saignements irréguliers, aménorrhée, céphalées, prise de poids et surtout ostéopénie), entraînant souvent leur interruption. Cependant, le DMPASC 104® (= DMPA-SC 104 mg en injection sous-cutanée, auto-injectable) probablement bientôt disponible, devrait en principe être plus acceptable(4). Les estroprogestatifs injectables mensuels (« once a month injectables »), dont on peut se demander s’ils seront un jour disponibles en France, semblent théoriquement une méthode plus intéressante que les progestatifs injectables pour les adolescentes peu observantes. Ils sont associés à un meilleur contrôle du cycle et à une meilleure tolérance globale que les progestatifs injectables trimestriels(4). Implants progestatifs Les implants progestatifs (dont le plus connu est Norplant® et prochainement Norplant®2 ou Jadelle®) sont préconisés chez les adolescentes aux États-Unis (notamment chez les adolescentes déjà mères) et dans certains pays européens. Ils semblent particulièrement à conseiller chez les adolescentes à haut risque de non-observance (par exemple, les adolescentes « récidivistes » d’IVG ou « oublieuses » chroniques de pilule, etc.). Cependant, les implants ne protègent pas des IST et s’accompagnent de saignements irréguliers particulièrement mal acceptés par les jeunes. L’implant à l’étonogestrel, Implanon® (qui sera très prochainement radio-opaque), dont la durée d’efficacité est de 3 ans, plus simple à insérer et à ôter que Norplant® (un seul bâtonnet au lieu de six, pas d’incision, pas de trocart) peut avoir de bonnes indications chez certaines adolescentes, notamment peu observantes. Il faut remarquer en tout cas que les femmes jeunes y font appel assez souvent en France où cet implant n’est pas contre-indiqué chez les adolescentes. Le patch contraceptif estroprogestatif hebdomadaire Evra® diffuse de l’éthynilestradiol (EE) et du 17-déacétyl norgestimate (norelgestromine). Il s’agit d’une innovation réelle en contraception hormonale et d’une option intéressante chez les adolescentes, en particulier celles qui ont des problèmes d’observance avec la pilule. Pour rappel, il s’agit d’un patch hebdomadaire : 1 patch par semaine pendant 3 semaines, suivies d’une semaine sans patch pendant lesquelles surviennent les règles. Evra® est disponible en France. Il l’est également dans plusieurs pays européens et aux États-Unis où il connaît un succès grandissant, en particulier chez les jeunes. Il n’y a, à mon sens, aucune raison de ne pas initier une contraception estroprogestative par Evra® chez les adolescentes qui le souhaitent. L’anneau vaginal contraceptif estroprogestatif (EP) mensuel Nuvaring® Il peut aussi convenir aux adolescentes, notamment à celles qui ont du mal à prendre régulièrement leur pilule. Nuvaring® est une autre innovation réelle en contraception hormonale EP. Cet anneau vaginal, très souple, facile à mettre en place et à ôter, diffuse 120 μg d’étonogestrel et 15 μg d’EE par jour pendant 3 semaines. Il doit être mis en place dans le vagin par l’utilisatrice qui le garde pendant 3 semaines et le retire ensuite. Une semaine d’arrêt, pendant lesquelles surviennent les règles, est à prévoir entre deux anneaux. Cette contraception est associée à un excellent contrôle du cycle et à une acceptabilité très satisfaisante par les utilisatrices et par leur partenaire. Il a la même efficacité que la pilule EP, mais l’anneau vaginal mensuel est un avantage potentiel par rapport à l’utilisation quotidienne de la pilule. Pilule estroprogestative Cette méthode utilisée par 11 à 64 % des 15-19 ans en Europe de l’Ouest et par près de 54 % des 18-19 ans en France (généralement minidosée à 15 μg, 20 μg ou 30 μg d’éthynilestradiol) semble la meilleure méthode de contraception chez les adolescentes. Existe-t-il néanmoins des risques potentiels de la pilule spécifiques à cet âge ? Il faut prendre en compte plusieurs faits : – la pilule ne protège pas des IST (on peut, si nécessaire, lui associer un préservatif) ; – certains risques liés à son utilisation, notamment chez les jeunes, continuent parfois d’être discutés, tels que : • un effet sur la croissance chez les adolescentes très jeunes (?), • un effet sur l’axe hypothalamohypophyso-ovarien et sur l’appareil génital (?), • une augmentation discrète du risque de cancer du col utérin (effet durée-dépendant(5)), particulièrement chez les adolescentes qui fument (effet cancérigène propre du tabac sur l’épithélium cervical) et qui sont à haut risque d’IST, notamment HPV. Le vaccin anti-HPV a une indication prioritaire chez les jeunes filles avant tout rapport sexuel, en particulier à l’occasion de la primo-prescription de contraception comme l’ont recommandé le Comité technique des vaccinations et le Conseil supérieur d’hygiène de france en date du 9 mars 2007 ; • une augmentation discrète (effet durée-dépendant(5)) du risque de cancer du sein, notamment chez les adolescentes qui vont débuter son utilisation à un jeune âge et qui, en principe, vont la prendre longtemps (?). Dans l’état actuel de nos connaissances, on ne peut que rassurer l’adolescente dans ce domaine à condition que, prenant la pilule, éventuellement pendant de longues années, elle ait réellement besoin de contraception, que la pilule soit correctement choisie, que ses contre-indications soient strictement respectées et, surtout, qu’elle soit bien informée et bien surveillée. Comment choisir une pilule chez l’adolescente ? Chez la femme sans aucun cas particulier, j’ai tendance à choisir en première intention une pilule EP minidosée ≤ 35 μg d’éthinylestradiol, en ayant tendance à privilégier les EP à 20 μg, ce qui me laisse toute latitude pour passer aux EP à 15 ou 30 μg d’éthinylestradiol (EE) en fonction de la tolérance de ces EP à 20 μg d’EE. Je tiens naturellement compte du coût et du remboursement des pilules choisies. La Faculty of Family Planning and Reproductive Health Care (Royaume-Uni, 2006)(6) recommande comme premier choix une pilule dosée à 30 μg d’EE et contenant soit du lévonorgestrel, soit de la noréthistérone du fait d’un risque thromboembolique veineux théoriquement moindre que celui associé aux pilules contenant un progestatif de 3e génération. Conclusion Ce qui semble essentiel pour l’adolescente, c’est une bonne tolérance globale de sa contraception respectant d’abord son schéma corporel, notamment son poids, son état général, y compris psychologique, assurant un bon contrôle du cycle et compatible avec une sexualité épanouie. Le médecin doit, de plus, se préoccuper de la santé de cette dernière et de sa fertilité ultérieure, tout en s’adaptant à la diversité des adolescentes. À chacune sa contraception.

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