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Gynécologie de l'adolescente

Publié le 13 mar 2011Lecture 7 min

Le démarrage de la puberté, un phénomène génétique, endocrinien, métabolique ou environnemental ?

M. DEKER D’après C. Sultan (Montpellier). Conférence Genesis, Paris 2008.

La puberté est une loi, pas un choix, c’est un phénomène inéluctable caractérisé par une véritable « métamorphose » somatique, psychologique, sociale, un bouleversement qui marque indiscutablement la vie d’un individu. C’est une étape clé marquée par l’acquisition de la fonction de reproduction. Or, l’entrée en puberté des filles est aujourd’hui plus précoce qu’il ne l’était il y a quelques décennies, ce qui n’est pas sans conséquences en termes de société mais aussi pour les médecins. Un certain nombre de données récentes permettent de mieux comprendre les mécanismes de la puberté. 

 
L’âge de la puberté est de plus en plus précoce Normalement, chez la petite fille, la puberté débute avec la mise en place de la glande mammaire, souvent concomitante du début de la pilosité pubienne. Dans les régions méditerranéennes, c’est bien souvent la pilosité pubienne qui marque le début de la puberté. Classiquement, il est estimé que la surélévation mamelonnaire qui signe l’entrée en puberté survient autour de 10 ans. Or, une équipe américaine a montré, sur une population de 18 000 enfants, que, dès l’âge de 8 ans, 48 % des enfants noirs et 15 à 20 % des enfants d’origine caucasienne étaient déjà entrés en puberté. Les filles débutent donc leur puberté plus tôt. Depuis une trentaine d’années, l’âge de la ménarche (premières règles) a diminué, pour atteindre un plateau qui semble se stabiliser depuis plusieurs années. Deux études, celle de l’INED et celle réalisée à Montpellier, sur 1 800 et 4 300 enfants respectivement, indiquent un âge moyen de 12 ans et 5 mois pour l’âge de la ménarche. À l’âge de 14 ans, 95 % des adolescentes ont leurs règles. Nous savons aussi qu’il existe un gradient nord-sud, la puberté étant plus précoce au sud qu’au nord (âge moyen : 12,3 ans en Grèce ; 13,3 ans en Finlande ; 12,6 ans en France). En pratique, la conséquence en termes de prise en charge est qu’il n’est plus légitime d’attendre l’âge de 15 à 16 ans pour investiguer une aménorrhée chez une adolescente.   Pourquoi ? Ces modifications de l’âge d’entrée en puberté ont fait l’objet de diverses théories et spéculations. Il ne fait pas de doute que l’amélioration du niveau socio-économique, de la santé publique, de l’alimentation, avec pour corollaire l’augmentation de l’indice de masse corporelle, et des structures sociales a joué un rôle (des études ont montré que le père intervenait dans le déclenchement de la ménarche). L’hypersexualisation de la culture pourrait aussi contribuer à activer l’axe gonadotrope par un mécanisme d’entraînement. Des travaux impliquent également le rôle des xénoestrogènes environnementaux issus de l’industrie chimique.   Avec quelles conséquences ? Au final, pour les médecins, quels que soient les mécanismes soustendant le début plus précoce de la puberté, la question reste la même : quelles sont les implications de cette entrée plus précoce en puberté ? Quel est l’impact de l’imprégnation estrogénique plus précoce ? Est-ce un facteur de risque ? ou un élément sentinelle ? Ce phénomène constitue certainement un facteur de risque. En effet, toutes les études épidémiologiques montrent que l’allongement de la fenêtre d’estrogénisation, c’est-à-dire la période durant laquelle la petite fille sera soumise à des estrogènes sans compensation par d’autres facteurs hormonaux telle la progestérone, augmente le risque de cancer estrogénodépendant. Son impact social est avéré. Manifestement, ces petites filles hyperféminisées ont une place et un rôle social de pseudo-adultes plus précoce, d’où un décalage fréquent avec l’environnement culturel. Est-ce un phénomène sentinelle ? Oui, car si l’on entre en puberté plus tôt, c’est aussi parce que l’on est soumis à des xénoestrogènes environnementaux et alimentaires de façon excessive. L’entrée plus précoce en puberté a des implications pour l’endocrinologue. Cela signifie qu’il ne faut pas mettre en route des investigations sophistiquées (IRM) sur des développements mammaires jugés prématurés.   Comment entre-t-on en puberté ? Pour que la puberté démarre, il faut un axe gonadotrope fonctionnel, c’est-à-dire que l’ovaire soit soumis à une stimulation par FSH LH et que l’hypophyse reçoive des messages du GnRH hypothalamique. La puberté n’est qu’une étape dans la maturation de l’individu puisque cet axe gonadotrope s’active d’abord pendant la vie foetale, puis en période néonatale, où la fille développe une minipuberté ; enfin, après une pause jusqu’à l’âge de 10-11 ans, il y a réactivation de l’axe gonadotrope. Pourquoi l’axe gonadotrope se réactive-t-il ? Le démarrage de la puberté n’est pas un phénomène monofactoriel mais un système extrêmement complexe au sein duquel plusieurs facteurs doivent être identifiés. La réactivation de l’axe gonadotrope est un phénomène à la fois génétique, métaboliquement dépendant et susceptible de varier selon l’environnement.   Rôle de l’hérédité La génétique est importante dans la régulation de l’axe gonadotrope. Nous connaissons, en effet, des retards pubertaires et des pubertés précoces familiales. La génétique interviendrait pour 50 à 70 % dans l’âge pubertaire. Grâce à une multitude d’études, en particulier génétiques, on commence à cerner la zone impliquée dans le déclenchement de la puberté et les mécanismes qui sous-tendent ce dernier. À la puberté, les neurones commencent à produire du GnRH. Ces neurones sont sous la dépendance non seulement de neuromédiateurs, mais aussi de l’astroglie, ainsi que d’un grand nombre de protéines et de gènes, lesquels sont capables de moduler la production de l’hormone. Un ensemble de protéines codées par le gène KISS-1, mis en évidence il y a deux ans, joue un rôle clé dans l’activation des neurones à GnRH, en se liant au récepteur GPR54. On dispose d’arguments expérimentaux, génétiques et neuroendocriniens attestant de ce mécanisme entraînant la sécrétion pulsatile de GnRH. L’invalidation de ce gène empêche la puberté de débuter. Au moment de la puberté, la protéine KISS est produite en grande quantité pour activer le générateur de pulses. Cette protéine est située à l’interface de très nombreux signaux, parmi lesquels le tissu adipeux. C’est à partir du tissu adipeux – et de la leptine – que la protéine KISS est activée ; lorsque le poids idéal est atteint, le tissu adipeux produit de la leptine qui envoie un messager à KISS pour déclencher l’activation du GnRH. D’autres signaux hormonaux interviennent aussi, notamment l’insuline, les stéroïdes sexuels (puberté précoce en cas d’hyperplasie des surrénales).   Rôle de la nutrition Il existe aussi des signaux périphériques, au premier rang desquels la nutrition. Ainsi, il existe un lien direct entre l’âge de la ménarche, et le poids et le bilan énergétique. Les études réalisées en Inde montrent que l’âge diffère selon le statut socio-économique, de 12 à 15 ans selon que l’on appartient à un milieu favorisé ou défavorisé, respectivement. Le bilan énergétique joue un rôle non seulement durant la période postnatale, mais aussi pendant la période prénatale. L’âge de la puberté est, en effet, également conditionné par la croissance foetale. Selon l’équilibre nutritionnel pendant la vie foetale, la puberté se déclenchera plus tôt ou plus tard. Ainsi, en cas de petit poids de naissance, de retard de croissance intra-utérin, la puberté est plus précoce. Enfin, parmi les signaux environnementaux, le stress entraîne un retard pubertaire à travers la sécrétion d’interleukine-6, qui freine l’axe gonadotrope.   Rôle des polluants chimiques ? Les dysrupteurs endocriniens que sont les polluants chimiques, pseudoestrogènes contenus dans les pesticides (bisphénols, phtalates) seraient responsables d’avances pubertaires. Ces substances chimiques (plus de 100 000 produits chimiques différents sont en circulation, dont certains sont des pseudoestrogènes) peuvent agir comme des xénoestrogènes. Des travaux américains montrent que les PCB, le DDT, sont capables d’entraîner des avances pubertaires. Les perturbateurs endocriniens sont pour la plupart des antiandrogènes. En conclusion, la puberté est davantage qu’un phénomène génétique (17 gènes sont impliqués) et endocrinien ; c’est aussi un phénomène métabolique, nutritionnel et environnemental.   L’entrée précoce en puberté : quelles conséquences sur la taille adulte ? Tout dépend de la taille au moment de l’entrée en puberté, car il y a des petites filles qui grandissent vite et entrent en puberté tôt. D’une façon générale, celles qui entrent en puberté plus tôt sont souvent plus petites, car elles ont eu un retard de croissance intra-utérin ou une nutrition postnatale déficitaire. Le comble, c’est que les petites filles qui font leur puberté plus tôt sont plus petites et que le tempo de la puberté est raccourci : au lieu d’avoir une puberté qui se développe sur 4 à 5 ans, elles ont une puberté explosive. Quelle prévention possible ? Pour remédier à ces petites tailles, il faudrait associer un double traitement : un freinateur de la puberté et un accélérateur de croissance. Il y a des protocoles en cours, car les parents exercent une forte pression sur le corps médical.

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