Publié le 28 fév 2011Lecture 5 min
Le monitoring de la vaccination HPV
J. LEVÊQUE, CHU Anne de Bretagne, Rennes
Le vaccin HPV a fait la preuve de son efficacité, mais la vaccination est perfectible en France avec une tendance actuelle à vacciner trop tard (après 14 ans), sans respecter le schéma vaccinal complet qui comprend 3 injections. Couverture vaccinale et observance sont imparfaites, ceci d'autant plus que le vaccin est proposé tard et chez les jeunes filles les moins favorisées socialement.
Les vaccins HPV ont prouvé leur efficacité chez les femmes naïves les plus jeunes (études Future II et Patricia), probablement sur une période prolongée (9 ans de recul avec les premiers vaccins anti-HPV16) sans toutefois qu’ait été mis en évidence un corrélat de protection. Les premiers résultats encourageants portant chez les patientes plus âgées (24 à 45 ans) (1), chez les femmes préalablement infectées et ayant clairé le virus (2), ainsi que chez les hommes (3), peuvent laisser augurer d’un bénéfice individuel chez les sujets non concernés par les recommandations françaises (vaccination à 14 ans, et rattrapage chez les 15-23 ans dans l’année qui suit les premiers rapports sexuels (4)). Si donc le vaccin est protecteur, reste la question de la vaccination en France : quel bilan peut-on dresser depuis 2007, début de la campagne vaccinale française ?
Couverture et observance : les deux points faibles
Fin 2009, 1,5 million de jeunes filles ont commencé leur vaccination, mais la couverture vaccinale est perfectible et l’observance médiocre.
La couverture est perfectible (figure)
Si la très grande majorité des prescriptions vaccinales suit les recommandations, on peut déplorer que :
– d’une part, on vaccine insuffisamment : en affleurant à peine les 60 % de couverture, on reste loin des 80 % recommandés par la HAS et les experts français(5),
– d’autre part, la cible prioritaire n’est pas celle des jeunes filles de 14 ans, pourtant mise en avant dans les recommandations : dans cette tranche d’âge, le taux de couverture estimé n’est que de 22 %.
Taux de couverture vaccinale en France fin 2009.
L’observance est médiocre
L’observance estimée n’est que de 2,4 doses sur une période de 12 mois, l’idéal étant de délivrer le schéma complet de 3 injections à 0, 1 ou 2 mois selon le vaccin bi- ou quadrivalent, et 6 mois. Ainsi, en France, 60 000 jeunes femmes devraient compléter leur vaccination. Ces deux points ont été précisés par une étude réalisée à Paris, dont les conclusions ont été présentées à Eurogin 2010 avant publication internationale (6).
Les auteurs ont étudié le dossier de 77 744 jeunes femmes âgées de 14 à 23 ans affiliées à la CPAM de Paris, en suivant les prescriptions vaccinales de juillet 2007 à mai 2009. Les objectifs étaient d’étudier la couverture et l’observance (observance estimée en raison de l’élasticité de la période vaccinale). La couverture des 14 ans n’est que de 18 %, et de moins de 65 % chez les mineures. De plus, le taux de couverture est corrélé aux revenus moyens par foyer fiscal par arrondissement. L’observance parfaite (schéma complet avec 3 doses) est de 46 % chez les mineures versus 34 % chez les plus de 18 ans, et est meilleure dans les foyers les plus favorisés. Par comparaison, 26 % des jeunes filles ont reçu 2 doses vaccinales et 31 % une seule dose durant la période d’étude.
Il faut vacciner tôt et complètement
Vacciner tôt, outre le fait d’améliorer l’observance, permet de vacciner des jeunes filles naïves en plus grand nombre et assurer ainsi une protection rentable en termes de santé publique. Cela a été démontré par les études de phase III des deux vaccins (7), où la comparaison de l’efficacité vaccinale était très en faveur de la vaccination en per protocole : chez les patientes naïves et ayant accompli leur schéma complet en fin d’étude, la protection conférée est la plus élevée, tandis que le même vaccin proposé à la population dite « en intention de traiter » (soit regroupant la population per protocole et les autres patientes, notamment celles n’ayant pas accompli leur schéma vaccinal complet ou infectées par HPV 16 ou 18 avant de bénéficier de la protection vaccinale) voit son efficacité diminuer drastiquement (tableau).
Le respect du schéma vaccinal permet d’assurer une protection prolongée : les études de cinétique d’anticorps ont montré que les 2 premières doses permettent une séroconversion, alors que la 3e injection est responsable de l’augmentation durable des taux d’anticorps anti-HPV et du recrutement des cellules mémoires. Proposer tôt la vaccination suppose de connaître le point de vue des mères des adolescentes cibles de la vaccination : une étude réalisée par CSA chez 241 jeunes filles de 18 à 23 ans et 324 mères de jeunes femmes de 13 à 20 ans a permis de préciser les caractéristiques des mères pro/contra et hésitantes. Peu de mères se déclarent opposées à vacciner leurs filles (14 %) : elles mettent en avant leurs doutes quant à l’innocuité du vaccin et ne semblent pas avoir une perception réelle du risque de cancer du col utérin. Quarante pour cent des mères déclarent vouloir vacciner leurs filles : elles connaissent le risque et ont une perception positive de la sécurité et de l’efficacité du vaccin, tout en reconnaissant avoir besoin de plus d’informations pour être pleinement convaincues ; ces mères ne se sentent pas concernées dans l’immédiat, leurs filles leur paraissant trop jeunes, n’ayant pas encore eu de rapports, ce qui souligne la nécessité de poursuivre les campagnes d’information grand public. Enfin, les 37 % des mères déclarant avoir fait vacciner leur progéniture sont parfaitement informées du risque lié aux HPV, de la sécurité offerte par les vaccins, ainsi que de leur efficacité.
Conclusion
S’il semble difficile d’améliorer les performances des vaccins actuels (proches de 100 % d’efficacité en analyse protocole), le programme de vaccination français est perfectible tant en taux de couverture qu’en respect du schéma vaccinal. Des disparités socio-économiques existent en défaveur des populations les moins favorisées, plus souvent touchées par les cancers du col utérin en raison de leur relative exclusion du dépistage cytologique, qui n’est toujours pas organisé au niveau national, malgré le succès des campagnes de dépistage pilote. L’amélioration de la vaccination doit être :
– quantitative en suivant l’exemple australien (8), en s’appuyant sur une information des mères et des filles, sur une possible évolution des recommandations puisqu’une co-administration est possible avec le vaccin combiné de rappel ;
– qualitative en convainquant les médecins et le public que la période la plus favorable pour vacciner est avant les premiers rapports sexuels qui débutent en moyenne à 17 ans en France métropolitaine, en sensibilisant les décideurs de la santé sur le problème de l’observance.
POINTS FORTS
En France, deux écueils menacent la vaccination anti-HPV :
- une couverture insuffisante quantitativement (moins de 65 % des mineures) et qualitativement (seulement 18 % des jeunes filles de 14 ans, cible préférentielle des recommandations) ;
- une observance médiocre : seul le schéma à 3 injections est reconnu comme protecteur.
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