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Infections, pathologies, maladies dans le cadre de la grossesse

Publié le 14 mar 2019Lecture 5 min

Dépister la syphilis chez les femmes enceintes

Pierre MARGENT, Saint-Denis

Aux USA, le taux de syphilis congénitale a atteint, en 2016, 15,7 cas pour 100 000 nouveau-nés, soit le taux le plus élevé constaté depuis 2001. Quand elle n’est pas traitée durant la grossesse, la syphilis est associée à un risque significatif de pertes fœtales et de mortalité néo-natale, de prématurité, de petits poids à la naissance, de décès prématurés par syphilis congénitale. La benzathine pénicilline G est le seul antibiotique recommandé pour prévenir la transmission maternelle et combattre l’infection fœtale syphilitique.

En 2009, l’US Preventive Services Task Force (USPSTF) avait déjà recommandé de dépister la syphilis chez toutes les femmes enceintes. Une actualisation de ces recommandations a été récemment effectuée, qui a tenté de répondre à plusieurs questions portant sur l’impact du dépistage sur la réduction de l’incidence de la syphilis congénitale chez les nouveau-nés, les dangers potentiels de ce dépistage et de la pénicillothérapie. Cette mise au point s’est appuyée sur une sélection d’articles médicaux de langue anglaise dans MEDLINE, PubMed et du Registre Central Cochrane des essais contrôlés sur la période allant du 1er janvier 2008 au 2 juin 2017 (surveillance jusqu’au 22 novembre 2017). Les populations ciblées étaient celles vivant dans des pays à haut ou très haut développement. Deux lecteurs critiques ont recueilli et analysé les données pertinentes de 7 études (soit 8 publications), selon des critères prédéfinis. Nette réduction de l’incidence de la syphilis congénitale grâce au dépistage La première question de l’USPSTF a concerné le bénéfice éventuel du dépistage de la syphilis durant la grossesse sur la réduction de la syphilis congénitale du nouveau-né. Une vaste étude observationnelle chinoise, menée dans la région de Shenzai, a inclus 2 241 237 femmes enceintes qui ont bénéficié d’un double dépistage syphilis-VIH entre janvier 2002 et décembre 2013. Un test non tréponémique était utilisé, avec, en cas de positivité, confirmation par un test tréponémique, puis traitement des femmes infectées par 3 injections de pénicilline G, à la posologie de 2,4 millions d’unités par semaine. Durant les 10 ans de l’étude, 8 455 femmes ont eu des tests positifs, sur un collectif de 2 241 237 et ont été traitées en moyenne à la 26,5e semaine de gestation (DS : 11,2 ; intervalle allant de 3 à 43 semaines). Entre 2002 et 2012, le taux de dépistage chez des femmes enceintes est passé de 89,8 % à 97,2 %. L’incidence de la syphilis congénitale, dans la même période, s’est effondrée de 109,3 à 9,4 cas pour 100 000 naissances vivantes. Le total des manifestations pathologiques a chuté de 42,7 % à 19,2 %, dont la syphilis congénitale de 11,7 % à 3,2 %, l’incidence des morts néonatales et des pertes fœtales de 19,0 % à 3,3 %. Ces résultats sont remarquables d’autant que, en Chine et durant la même période, l’incidence de la syphilis congénitale avait progressé. Malgré ses limitations méthodologiques et l’impossibilité de généraliser ces résultats, à la population US notamment, cette étude apporte la preuve qu’un dépistage, couplé si nécessaire à un traitement précoce, est associé à une nette réduction de l’incidence de la syphilis congénitale. Risques de faux positifs : il faut une confirmation ! La deuxième question de l’USPSTF porte sur les dangers éventuels du dépistage de la syphilis pendant la grossesse. Cinq études (n = 21 795) ont analysé les taux de faux positifs, l’une également celui de faux négatifs, en cas de tests non tréponémiques. Il en ressort que le taux de faux positifs avec des tests enzymatiques ou par immunochémiluminescence (EIA ou CIA) a été fréquent, de l’ordre de 46,5 à 88,2 %, nécessitant, de ce fait, une confirmation en cas de positivité. Une étude (n = 318) ne révèle, par contre, aucun faux négatif avec le test tréponémique et une autre (n = 136) a mis en évidence le phénomène prozone, qui est une réponse paradoxalement négative lors de l’emploi d’un test plasmatique réaginique avec échantillon non dilué en cas de titre élevé d’anticorps, tel qu’on peut l’observer dans les syphilis secondaires par exemple. La 3e question examinée a été celle des dangers de la pénicillothérapie chez la femme enceinte ou le nouveau-né. Aucune étude, malheureusement, n’a pu être retrouvée à ce sujet, qui aurait concerné la fréquence d’une éventuelle réaction de Jarish-Herxheimer ou celle d’autres effets iatrogènes, allergiques notamment, en cours de grossesse. La pénicilline G est efficace et bien tolérée Il se trouve donc confirmé que le dépistage de la syphilis durant la grossesse est associé à une réduction du nombre de syphilis congénitales et que l’usage initial de tests de type EIA/CIA s’accompagne de faux positifs. Il est à rappeler que, aux USA, ce dépistage est systématique et imposé par la loi lors de la première visite de grossesse. Des études observationnelles antérieures, non incluses dans cette revue, avaient déjà alerté sur l’intérêt d’un dépistage et d’un traitement éventuel précoce, non retardé au 3e trimestre ou après la délivrance. Il est nécessaire toutefois de bien interpréter et connaitre les limites des tests utilisés afin d’éviter à la fois sur mais aussi sous-diagnostics. Cette revue alerte sur la possibilité de faux positifs avec des tests de dépistage spécifiques chez une femme enceinte à bas risque, quand les autres tests sont négatifs et sur l’existence possible d’un phénomène prozone. Au plan thérapeutique, la pénicilline G est efficace et bien tolérée, les effets secondaires paraissant rares, peu étudiés lors de traitements en cours de grossesse. La réaction de Jarish-Herxheimer peut cependant induire un travail précoce, voire une détresse fœtale, non évitable par le choix d’une autre antibiothérapie. Cette revue actualise de précédentes recommandations émises en 2009. Elle doit être associée à quelques réserves. Elle n’a pas porté sur des pays aux ressources plus faibles et avec des systèmes de santé différents de ceux présent aux USA. Il n’a pas été effectué d’analyse comparative de la séquence possible des tests de dépistage. De par le bénéfice bien établi de la pénicilline G, il n’a pas été examiné les modalités du traitement, ni les alternatives thérapeutiques, comme l’emploi possible de la ceftriaxone chez la femme enceinte, allergique à la pénicilline G.

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