Contraception
Publié le 19 nov 2020Lecture 6 min
Le choix d’une contraception hormonale chez la femme hypertendue
L’hypertension artérielle (HTA) est définie par une pression artérielle systolique (PAS) d’au moins 130 mm Hg et une pression diastolique (PAD) égale ou supérieure à 80 mm Hg. Elle constitue un risque majeur de maladies cardiovasculaires (MCV). Aux USA, on estime à 25 % la proportion d’hypertendues dans la population féminine en âge de procréer. Seules, 50 % d’entre elles se savent hypertendues et moins de 10 % ont une PA contrôlée. Il existe des différences ethniques nettes avec par exemple une prévalence de l’HTA dépassant 50 % chez les femmes noires de 20 ans et plus.
Plusieurs molécules contraceptives tendant à majorer les chiffres tensionnels, cet effet doit être pris en compte lors du choix d’un contraceptif hormonal en cas d’HTA, laquelle peut, dans certains cas, constituer une contre-indication relative ou absolue.
Préciser le stade de l’HTA et les autres facteurs de risque
Une première étape consiste à préciser le degré d’HTA et à identifier les facteurs de risque associés, préalable à la prévention d’une grossesse par contraceptifs hormonaux. Selon les recommandations de l’American Heart Association/ American College of Cardiology, une PA normale se situe à moins de 120/80 mm Hg. Une HTA de stade I correspond à une PAS comprise entre 130 et 139 mm Hg et une PAD entre 80 et 89 mm Hg. Une HTA de stade II, est définie par une PA supérieure à 140/90 mm Hg. On rappelle qu’avant la prise de la tension, les femmes doivent éviter de fumer, de consommer du café ou de faire de l’exercice dans les 30 minutes précédentes. Elles doivent aussi être relaxées, vessie vide. Le brassard doit être adapté à la circonférence brachiale et les chiffres tensionnels être validés par plusieurs mesures ou par un monitoring tensionnel sur 24 heures. L’HTA confirmée, il importe d’éliminer, par l’anamnèse, l’examen clinique ou des tests ciblés de laboratoire diverses causes d’HTA secondaire comme un phéochromocytome, une sténose de l’artère rénale, des apnées obstructives du sommeil…
Dangers de l’éthinyl œstradiol
S’agissant plus particulièrement de la contraception hormonale de la femme hypertendue, on doit garder à l’esprit que l’éthinyl œstradiol est un composant œstrogénique des contraceptifs hormonaux combinés (CHC) qui, de façon dose-dépendante, augmente le risque de MCV. Il s’agit d’un œstrogène de synthèse qui a des effets vasculaires et hépatiques notables, qui majore les résistances vasculaires, a une action pro thrombotique, pro inflammatoire et modifie le taux des lipides. La PA tend à s’élever du fait d’une production accrue par le foie d’angiotensinogène, d’où l’activation du système rénine-angiotensine-aldostérone. Bien que moins bien étudiées, on peut penser que les préparations non orales de CHC (trans dermiques, par anneaux vaginaux ou injectables) ont aussi un effet hypertenseur. Globalement, la prise de CHC amène une hausse des chiffres tensionnels de 7 à 8 mm Hg, celle-ci étant toutefois plus minime avec les nouveaux contraceptifs hormonaux combinés dont la dose d’ethinyl œstradiol est de moins de 20 µg. Les femmes hypertendues ayant recours à ce type de contraceptifs sont à risque accru d’AVC, d’infarctus du myocarde et de thrombo-embolie d’origine veineuse.
Les progestatifs ont des effets moindres
Les effets sur la cascade de la coagulation diffèrent selon la nature du progestatif mais, dans tous les cas, sont nettement moindre que ceux des œstrogènes. Les contraceptifs avec progestatifs uniquement n’ont pas d’impact tensionnel. Sans certitude absolue, l’injection de dépôt d’acétate de médroxyprogestérone (DPMA) augmenterait le taux des lipoprotéines. Quant au risque d’accident vasculaire cérébral ischémique chez les utilisatrices de dispositifs intra utérins ou d’implants uniquement à base de progestérone, il reste mal connu. Dans les formes combinées, les différentes formulations des progestatifs utilisés n’influent que peu sur le risque de MCV. La drospirénone est une molécule progestative plus récente, proche, structurellement de la spironolactone. Elle tend à neutraliser l’activation, par les œstrogènes, du système rénine-angiotensine-aldostérone et à baisser, en cas d’HTA modérée, les chiffres tensionnels. A l’inverse, elle tend à majorer, de façon minime, le risque thromboembolique d’origine veineuse, sans toutefois que cela ait d’impact sur ses recommandations d’utilisation en clinique humaine.
Ainsi donc, la décision de recourir à une contraception hormonale chez une femme hypertendue doit passer par plusieurs étapes préalables :
apprécier la réalité de l’HTA, son degré et éliminer les diverses étiologies secondaires ;
bien noter les facteurs additionnels de risque de MCV, tels que dyslipidémie, diabète, tabagisme, obésité, histoire familiale ou très faible activité physique ;
éliminer les contre-indications éventuelles à une contraception hormonale combinée : tabagisme, présence de plus de 2 facteurs de risque, antécédent de thrombo-embolie veineuse, valvulopathie compliquée, cardiopathie ischémique, maladie thrombotique, cirrhose hépatique, migraine avec aura, cancer du sein et certaines autres tumeurs malignes…
Décider en fonction de l’âge et du contrôle de l’HTA
Chez les femmes de moins de 35 ans, hypertendues, en bonne santé et dont la PA est bien contrôlée, il est possible de recourir, sans réserve, certes aux méthodes contraceptives non hormonales (préservatifs, spermicides, diaphragmes.) mais aussi aux dispositifs intra utérins avec libération de lévonorgestrel ou aux implants avec les seuls progestatifs. Les contraceptifs combinés avec dose faible de moins de 35 µ d’ethinyl œstradiol, les préparations trans dermiques ou les anneaux vaginaux combinés, tout comme les dépôts d’acétate de médroxyprogestérone (DPMA) restent envisageables, mais à utiliser avec précaution.
Chez les femmes de plus de 35 ans, dont les chiffres tensionnels sont contrôlés, ou à tout âge pour celles dont la PAS est comprise entre 140 et 159 mm Hg et la PAD entre 90 et 99 mm Hg, les options non hormonales, les dispositifs intra-utérins à base de lévonorgestrel et les pilules progestatives uniquement restent permises. Le DPMA est à manier avec grande précaution et les contraceptifs hormonaux combinés sont contre indiqués.
Chez celles dont la PA dépasse 160- 100 mm Hg, là encore, les options non hormonales sont à privilégier même si les dépôts à base de levonorgestrel et les contraceptifs spécifiquement à base de progestérone restent envisageables ; le DPAM est à éviter et les contraceptifs combinés, à oestro-progestatifs à proscrire formellement.
En dernier lieu, chez les femmes hypertendues sous contraceptifs, une surveillance régulière de la PA s’impose. Elle doit débuter dans les 2 à 4 semaines suivant la prescription, puis être poursuivie tous les 6 mois environ. La contraception doit être arrêtée en cas d’élévation des chiffres tensionnels, le retour aux chiffres pré thérapeutiques s’effectuant en règle dans un délai de 3 mois.
En conclusion, l’HTA chez la femme est un facteur patent de risque de MCV qu’il est possible de prévenir. Le choix d’un contraceptif hormonal est fonction de l’âge de la patiente et de l’importance des chiffres tensionnels. Les contraceptifs à base de progestérone sont, en règle générale, bien tolérés ; les contraceptifs hormonaux à base de combinaison d’œstroprogestatifs ne doivent être utilisés qu’avec grande prudence et seulement chez les femmes jeunes, de 35 ans au plus. Des travaux complémentaires restent à venir pour préciser les recommandations dans les formes légères d’HTA, l’impact spécifique des différentes molécules, le profil de tolérance des formes non orales et de celles très faiblement dosées, à 10 µg d’ethinyl œstradiol.
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