Publié le 29 mar 2021Lecture 4 min
Évolution du marché de la contraception en France depuis 10 ans : ses perspectives
David Serfaty, Paris
Le marché de la contraception est utile à connaître, car il est le reflet de nos prescriptions, lesquelles sont naturellement évolutives.
En France, ce marché est celui figurant au tableau 1, qui autorise de nombreuses remarques.
Contraception hormonale estroprogestative
La pilule estroprogestative (EP) qui reste la première méthode de contraception en France (et en Europe) a beaucoup diminué depuis 2011 : 54 millions de plaquettes par an en 2011, 39 millions en 2019.
Cette baisse de la pilule est corroborée par le Baromètre Santé 2016(1) : 40,6 % des femmes de 15 à 49 ans utilisaient la pilule en 2010, elles ne sont plus que 33,2 % en 2016.
Dans ce marché en régression de la contraception orale EP qui atteint particulièrement les pilules de 3e et 4e générations (tableau 2), une minipilule (EP) (20 µgEE + 100 µg LNG) continue de résister.
La future pilule EP Estelle® contenant un nouvel estrogène naturel (E4 = estétrol) et de la drospirénone(2) bientôt disponible, va-t-elle dynamiser ce marché de la contraception orale EP ? Il est en tous les cas permis de l’espérer.
Les autres contraceptifs hormonaux estroprogestatifs (patch EP, anneau vaginal EP) ont, eux aussi, subi une diminution notable depuis 2011.
Attendons le patch hebdomadaire EP au lévonorgestrel (Twirla®), et surtout, l’anneau vaginal EP à la nestorone du Population Council (Annovera®) récemment approuvé par la FDA, de plus longue durée d’action (1 an) pour espérer un « réveil » de ces contraceptifs de semi-longue durée, favorables en matière d’observance. Il faut en tous les cas savoir prévenir, écouter et gérer cette hormonophobie sélective, cantonnée pour le moment à la contraception hormonale combinée estroprogestative.
Contraception progestative
Les pilules progestatives pures continuent, en revanche, leur progression régulière (tableau 1) : 8 millions de plaquettes par an en 2011 ; 15,2 millions en 2019. Cette contraception orale progestative pure représentée jusqu’à récemment par 2 micropilules progestatives (désogestrel 75 μg et lévonorgestrel 30 μg), toutes les deux en régime continu, s’est enrichie très récemment de SLINDA®, une POP (Progestogen Only Pill) contenant 4 mg de drospirénone approuvée en mai 2019 par la FDA et disponible sur le marché français depuis quelques mois. Cette POP a la particularité de contenir 24 comprimés actifs suivis de 4 comprimés placebo. Elle a démontré une efficacité similaire à celle des pilules EP actuelles, une bonne acceptabilité et un contrôle du cycle favorable(3,4). Il s’agit finalement d’une pilule progestative normodosée, la seule de cette catégorie ayant obtenu une AMM en contraception.
Elle pourrait convenir à toutes les femmes, y compris les adolescentes(5), ayant des contre-indications aux estrogènes ou ne souhaitant pas en prendre du fait de leur risque cardiovasculaire. Les POPS dénuées de risque thromboembolique mériteraient, pour beaucoup, de bénéficier du statut OTC (Over-The-Counter), en particulier en cette période de pandémie de Covid-19(6).
Les autres contraceptifs progestaifs (implant progestatif à l’étonogestrel [Nexplanon®] et la DMPA injectable [Dépo-Provera®]) ont, eux aussi, légèrement progressé en 2019.
Contraception intra-utérine
Le marché de la contraception intra-utérine a été relativement stable en 2019 en France. Aux systèmes intra-utérins au lévonorgestrel (SIU-LNG) (Mirena®, Jaydess® et Kyleena®) s’ajouteront prochainement leurs hybrides (Lévosert®, Lileta®, Skyla®, Alyssia®) en principe moins onéreux.
Quant aux dispositifs intra-utérins au cuivre, dont il existe une trentaine de modèles en France, ils se sont enrichis récemment d’un DIU-Cu en 3 dimensions, Ballerine®, favorable en principe en matière de tolérance. Dans un proche avenir un mini DIUCu, le Véracept®(7) faiblement dosé en cuivre, viendra compléter cette gamme déjà riche de DIU-Cu.
La tendance qui se dessine est de poser de plus en plus fréquemment des mini DIU-Cu ou des mini SIULNG chez les nullipares et les jeunes. Selon le Baromètre Santé(1), 4,7 % des 20 à 24 ans et 19 % des 25-29 ans utilisaient une contraception intra-utérine en 2016. Ces pourcentages sont sûrement appelés à augmenter.
Il en sera de même de la contraception intra-utérine dans le postpartum immédiat, encore peu utilisée actuellement en France, mais qui finira sûrement par s’imposer(8).
Contraception d’urgence
La contraception d’urgence orale (lévonorgestrel 1,5 mg [Norlevo®] et ses nombreux génériques) et acétate d’ulipristal (Ellaone®) a nettement progressé en 2019. Il semble finalement que le poids des utilisatrices est un critère de choix du contraceptif d’urgence oral et qu’il faille préférer l’UPA chez les obèses(9).
Stérilisation contraceptive
Elle est restée stable depuis 2018, autour de 22 000 procédures par an : elle avait cependant beaucoup diminué auparavant (elle était à plus de 44 000 en 2014). La disparition, immotivée à mon sens, du système Essure® est passée par là. Par ailleurs, les femmes préfèrent de plus en plus les DIU très efficaces, de très longue durée et réversibles, à la stérilisation contraceptive qui est définitive.
Interruption volontaire de grossesse
Les IVG ont légèrement augmenté : 202 000 en 2017, 209 500 en 2018 chez les 15-49 ans en métropole.
Les taux d’IVG en 2018 (15 ‰ en métropole et 27,8 ‰ dans les DROM) sont à leur maximum depuis 1990. 25 % du total des IVG ont été réalisés hors d’une structure hospitalière en 2018(10). Ce pourcentage ira probablement en augmentant.
Au total
En 10 ans, en France, la contraception estroprogestative a beaucoup diminué, la contraception progestative a nettement augmenté, la contraception d’urgence a significativement progressé et la contraception intra-utérine au cuivre ou au lévonorgestrel a très nettement augmenté. Quelles perspectives pour le marché de la contraception en France ?
La pilule et le DIU resteront probablement encore pendant longtemps les deux principales méthodes de contraception réversibles, mais la contraception progestative orale continuera probablement de progresser. En même temps que se développera la télémédecine en général, et en particulier appliquée à la contraception. Ceci en attendant l’avènement de la contraception masculine moderne qui avance à grands pas(11).
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