Publié le 23 mai 2021Lecture 5 min
Pas de craintes avec l’ondansétron pendant la grossesse
Dr Pierre MARGENT
il n’existe pas d’association entre exposition à l’ondansétron durant la grossesse et risque accru de morts fœtales ou à la naissance, avortements spontanés ou malformations congénitales graves, comparativement à la prise d’autres anti émétiques durant la gestation.
Approximativement 80 % des femmes enceintes souffrent de nausées et de vomissements et 20 % ont alors recours à l’ondansétron qui est un antagoniste des récepteurs 5-HT3. Peu d’études ont analysé le risque de mort-nés et, de façon plus générale, la tolérance de l’ondansétron comparée à celle d’autres anti émétique. Nombre d’entre elles donnent, de plus, des résultats discordants s’agissant des malformations congénitales graves, des fentes oro faciales ou des anomalies cardiaques. A ce jour, la tolérance et la sécurité de l’administration d’ondansétron durant la grossesse restent mal connues.
Un travail a été conduit par CP Dormuth et coll. pour analyser l’association entre prise d’ondansétron et risque d’avortement spontané, de mort-né ou de malformations congénitales majeures. Il a pris la forme d’une étude multi centrique, ciblant les jeunes femmes âgées de 12 à 55 ans ayant connu un avortement spontané ou volontaire, une mort néo-natale, ou à contrario, un enfant vivant, entre Avril 2002 et Mai 2016. Les données étaient tirées des registres de 5 provinces canadiennes, d’un registre US (US IBM Masked Scan Research Database) et d’un troisième du Royaume Uni (UK Clinical Practice Research Dataline). Dans chacun, ont été comparées l’exposition à l’ondansétron et celle à d’autres anti émétiques communément utilisés : dilection, fréquemment prescrit au Canada, métoclopramide ou prométhazine. Le critère essentiel était la survenue d’une mort fœtale (avortement spontané ou mort-né). Le critère secondaire ajoutait la découverte, durant la première année de vie, d’une malformation congénitale majeure. Plusieurs grossesses ont pu être suivies chez une même femme. Les décès par anomalies chromosomiques, syndromes génétiques, infections congénitales étaient exclus de la cohorte d’étude. Une analyse statistique de sensibilité a été conduite pour les expositions médicamenteuses survenues entre les 4e et 10e semaines de gestation, période considérée comme la plus risquée pour d’éventuels effets tératogènes. L’analyse définitive a été menée en Octobre 2020.
La cohorte d’étude inclut 456 963 grossesses avec exposition à des anti émétiques ; 54,7 % d’entre elles avaient été menées au Canada, 43,3 % aux USA et 2,0 % au Royaume Uni. Au total 20,4 % des parturientes étaient âgées de 24 ans au plus ; 32,6 % avaient entre 25 et 29 ans ; 31,2 % entre 30 et 34 ans, enfin 15,8 % avaient dépassé les 35 ans. Sur l’ensemble des grossesses, il y a eu 66,4 % d’enfants vivants, 20,5 % d’avortements spontanés, 12, 2% d’avortements provoqués et 1 % de mort-nés. On note une exposition à l’ondansétron dans 163 810 observations et aux autres anti émétiques dans 306 766 grossesses. Cette exposition aux anti émétiques a surtout été nette durant le premier trimestre de gestation. Le recours à l’ondansétron a été important aux USA. On relevait 150 197 grossesses traitées en première intention par ondansétron ; ce médicament a aussi été utilisé, comme anti émétique de seconde intention, chez 13 613 autres femmes enceintes. De façon générale, son emploi a crû entre 2001 et 2016.
Pas d’association avec le risque d’avortements, de mort fœtale, de malformations
Durant la période d’observation, il y a eu 30 383 morts fœtales, dont 25 619 (87 %) d’avortements spontanés. La proportion est de 7,9 % en cas d’exposition à l’ondansétron face à 5,7 % en cas de prise d’un autre anti émétique, soit un Hazard ratio, HR, calculé à 0,91 (intervalle de confiance à 95 % IC : 0,67- 1,23). Plus précisément le HR s’établit à 0,82 (IC : 0,64- 1,04) pour les avortements spontanés et à 0,97 (IC : 0,79- 1,20) pour les morts à la naissance. Concernant les malformations congénitales majeures, le HR est de 1,06 (IC : 0,91- 1,22). L’ensemble de ces résultats sont restés robustes après diverses analyses de sensibilité et de sous-groupes, ne démontrant donc pas d’association significative entre prise d’ondansétron et évolution pathologique.
Ainsi, les données issues d’une cohorte internationale ayant inclus plus de 450 000 grossesses exposées à la prise d’anti émétiques témoignent- elles que la prise d’ondansétron en cours de gestation n’est pas associée à un risque accru de morts fœtales et, à la naissance, d’avortements spontanés ou de malformations congénitales majeures. Les résultats de ce travail rejoignent ceux d’autres auteurs, dont Pasternak, dans le New England Journal en 2013 et Danilson en 2014 dans Repro Toxicol. A l’inverse Huybrechts , en 2018, avait rapporté dans le JAMA une augmentation de l’incidence des fentes orofaciales et des malformations congénitales sous ondansétron.
La présente étude a plusieurs points forts. Elle a concerné, non seulement le Canada, pays dans lequel le recours aux anti émétiques durant la grossesse est rare mais également les USA où leur usage est plus répandu. En second lieu, le choix des anti émétiques variant avec les préférences des patients et de leurs médecins, avec les recommandations locales et leur disponibilité, les auteurs de la publication ont eu recours à un modèle d’exposition temps-dépendant. Enfin, la confusion possible entre les diverses molécules utilisées a été minorée le plus possible. A l’inverse, on doit signaler aussi plusieurs limites. L’analyse pour les malformations congénitales majeures a manqué de puissance concernant certaines anomalies spécifiques, telles les fentes orales ou les defects du septum cardiaque. Il n’est pas exclu que les femmes ayant déjà eu un avortement spontané ou une mort fœtale aient pu drastiquement réduire leur prise d’anti émétiques lors d’une grossesse ultérieure. Des biais ont pu apparaître lors de codage imparfait des nausées vomissements de la grossesse ou des prescriptions médicamenteuses…
En conclusion, cette étude d’une vaste cohorte multicentrique internationale confirme qu’il n’existe pas d’association entre exposition à l’ondansétron durant la grossesse et risque accru de morts fœtales ou à la naissance, avortements spontanés ou malformations congénitales graves, comparativement à la prise d’autres anti émétiques durant la gestation.
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