Publié le 25 fév 2022Lecture 4 min
IVG : les ambiguïtés de l’allongement du délai légal
F.H.
Votée le 23 février 2022, la loi de l'allongement de l'IVG de 12 à 14 semaines de grossesse constitue une avancée pour donner plus de délai aux femmes et aux couples pour réagir en cas de grossesses non désirées. Pour autant, le dissensus se fait entendre du côté de celles et ceux considérant que cette solution ne règle en aucun cas les difficultés d'accès à l'IVG, faute de moyens financiers et humains. Sans compter les freins liés au caractère non rémunérateur de cet acte.
L’Assemblée nationale a définitivement adopté, hier, l’allongement du délai légal pour recourir à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) par 135 voix pour, 47 contre et 9 abstentions.
Cette proposition de loi de la députée d’opposition Albane Gaillot (non-inscrite), soutenue par la majorité parlementaire, vise à répondre à des difficultés d’accès à l’IVG dans certains départements et permettre aux 2 000 femmes conduites chaque année à se rendre à l’étranger faute de pouvoir avorter en France.
Rappelons néanmoins, que lors du précédent allongement de 10 à 12 semaines, on observait des chiffres comparables…
« Un jour important pour la santé sexuelle et reproductive »
Le texte avait suscité une vive opposition d’une partie de la droite parlementaire et dans un entretien au magazine Elle, Valérie Pécresse avait déploré « une fuite en avant qui détourne le regard du vrai problème : l’accès aux centres d’IVG, l’absence de gynécologues et de sages-femmes (…) ».
Même dans la majorité, la loi ne faisait pas consensus, et Emmanuel Macron, aurait pu exprimer des réserves. Explicitant son opposition, il avait estimé que « des délais supplémentaires ne sont pas neutres sur le traumatisme d’une femme ». Il avait ajouté cependant « respecter la liberté des parlementaires ».
Ces propos lui avaient valu des critiques de la part des défenseurs des droits des femmes et c'est finalement Christophe Castaner, patron des députés LREM qui décida de reprendre la proposition de loi pour le compte de son groupe à l’Assemblée nationale.
La proposition de loi prévoit également d’étendre la pratique de l’IVG instrumentale aux sages-femmes. « Plus nombreuses que les médecins en France, elles peuvent déjà pratiquer les IVG par voie médicamenteuse depuis 2016 », explique Mme Gaillot.
Initialement, le texte prévoyait de supprimer la « clause de conscience spécifique » permettant aux médecins de refuser de pratiquer un avortement. Mais le ministre de la santé, Olivier Véran, pourtant favorable à titre personnel à l’allongement du délai de l’IVG, avait fait du maintien de cette clause de conscience un préalable à l’adoption du texte.
C'est « un jour important pour la santé sexuelle et reproductive, et un jour important pour la santé des femmes », a-t-il aussi proclamé après le vote évoquant « un combat pour l'émancipation des femmes ».
Olivier Véran avait étayé son opinion favorable à ce texte sur l'avis du Comité consultatif national d'éthique qui avait estimé que l'allongement de deux semaines du délai de l'IVG n'était pas contraire à l'éthique.
Soulignons qu’au contraire le CNGOF (Collège national des gynécologues et obstétriciens français) s’était opposé à cette évolution.
Complications pour les femmes, dilacération des fœtus, problèmes logistiques et risque de refus de certains médecins
Dans un communiqué publié le 12 octobre 2020, il rappelait, à 12 semaines de grossesse, « une aspiration du contenu utérin est encore possible ». A 14 semaines, « il est nécessaire de dilater davantage le col utérin au risque de créer des lésions définitives, pouvant être responsables d’accouchements prématurés ultérieurs. Les gestes nécessaires au-delà de 12 semaines peuvent donc être sources de complications pour les femmes et leur pénibilité pourrait entraîner une désaffection des professionnels de santé qui les réalisent aujourd’hui ».
Dans Marianne, début 2021, Israël Nisand précisait : « d’un point de vue médical (…) je suis opposé à une mesure qui ne va pas, loin s’en faut, dans le sens de l’amélioration des soins aux patientes. Les publications scientifiques n’ont pas investigué le lien entre IVG tardive et accouchement prématuré. Cette absence de recherche sur le sujet ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’effet délétère. Nous le redoutons ». Concernant le fœtus, il soulignait « à ce stade de la grossesse, la taille du fœtus impose sa dilacération », ce qui pourrait susciter le refus de pratiquer cet acte par certains obstétriciens.
Ce matin, sur les ondes de sud-radio, le Pr Aubert Agostini appuyait « le gros problème qui va arriver est que rien n’est prévu pour équiper les centres qui vont prendre en charge ces patientes. La loi va s’appliquer très rapidement. Mais dans mon service, dans l’état actuel, personne ne sait faire ce genre de geste. C’est malhonnête pour nos patientes, cela va être de la maltraitance ».
Rappelons qu’en novembre 2020 une enquête conduite sur notre site avait montré que 62 % de nos lecteurs étaient hostiles à cette réforme.
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