Publié le 14 sep 2022Lecture 7 min
Syndromes prémenstruels : quelles solutions aujourd’hui ?
C. FERRAT, Paris
Le syndrome prémenstruel est certainement devenu un motif de consultation plus fréquent depuis la « crise de la pilule ». malgré la fréquence de ce syndrome et ses conséquences potentiellement majeures sur la qualité de vie des femmes, avec des répercussions sur les plans professionnel, social et affectif, sa prise en charge demeure sous-optimale en France. il est donc important de le diagnostiquer et de savoir le traiter.
Le syndrome prémenstruel (SPM) se définit par la survenue de symptômes physiques et/ou psychiques cycliques récurrents pendant la phase lutéale du cycle menstruel, c’est-à-dire lors de la sécrétion de progestérone, et spontanément régressifs avec les règles. Il apparaît quand les cycles deviennent ovulatoires, augmente en périménopause et disparaît à la ménopause. Le SPM ne doit pas être confondu avec le syndrome périmenstruel qui est lié à la chute de la progestérone et se manifeste par une « déprime » menstruelle (syndrome J-1), et avec les migraines cataméniales et la dysménorrhée. La tenue d’un calendrier est parfois nécessaire pour confirmer la chronologie des symptômes.
Plus de 80 % des femmes présentent des symptômes prémenstruels. Outre la récurrence cyclique – au moins 3 cycles consécutifs –, deux autres critères doivent être remplis pour parler de SPM : l’existence d’un intervalle libre de tout symptôme d’au moins 1 semaine suivant les règles et une sévérité suffisante pour altérer l’activité professionnelle et la qualité de vie des femmes. Le SPM débute souvent entre 25 et 35 ans. Sa fréquence, sous-évaluée, est esimée à 12 % dans une étude française(1) et jusqu’à 40 % dans d’autres séries. On estime également que 4 à 8 % des femmes souffrent d’un SPM sévère.
Plusieurs syndromes distincts
On décrit une forme de SPM physique, caractérisée principalement par des mastodynies, un gonflement des extrémités, un ballonnement abdominal et une prise de poids, ainsi qu’une forme psychique qui peut elle-même se présenter sous deux types. L’un se traduit notamment par une humeur dépressive et une fatigue. Le second, qui se manifeste à l’inverse par une grande agitation et une irritabilité importante, entre dans le cadre du trouble dysphorique prémenstruel (TDPM) identifié dans le DSM*-V. Il semble donc y avoir trois SPM distincts, souvent associés.
Des hypothèses étiologiques biologiques et psychocomportementales
L’étiologie du SPM reste à élucider. Les taux hormonaux circulants, en particulier la progestéronémie, sont normaux. Une petite élévation transitoire de l'estradiol peut être observée en périménopause. La notion d’hyperestrogénie relative a été abandonnée. Le consensus actuel est celui d’une vulnérabilité aux variations hormonales du cycle menstruel. Le SPM physique a une forte composante œdémateuse. C’est un phénomène vasculaire lié très probablement à une hypersensibilité des vaisseaux à l’estradiol. On sait que les estrogènes augmentent l’extravasation vasculaire dans les zones hormonodépendantes et les œdèmes sont aggravés par la stase veineuse induite par la progestérone.
Pour appréhender l’éiopathogénie des SPM psychiques, il faut se rappeler que l’acide gamma-amino-butyrique (GABA) est le principal neurotransmeteur inhibiteur du système nerveux central et que l’alloprégnanolone est un puissant modulateur positif de l’action GABA par le récepteur GABA-A. Cette hormone provenant du métabolisme de la progestérone et présente dans le sang et le cerveau, exerce des effets neurogènes, neuroprotecteurs, antidépresseurs et anxiolytiques. Mais elle peut avoir un effet d’inhibition exagéré des neurotransmetteurs cérébraux chez certaines femmes. Ainsi pourrait s’expliquer l’aspect thymoleptique de certains SPM psychiques. La seconde forme psychique du SPM serait liée à un effet paradoxal de l’alloprégnanolone(2). L’utilisation d’un isomère de l’alloprégnanolone bloque son effet et fait disparaître le SPM psychique confortant l’hypothèse de son rôle central dans les formes psychiques du SPM. Du fait des effets de l’allopréganolone, il y aurait une baisse cérébrale de la sérotonine. Il s’agit du neurotransmetteur le plus impliqué dans le SPM, et notamment le TDPM. Son rôle est conforté par l’efficacité des inhibiteurs de recapture sélectifs de la sérotonine (IRSS) dans cette indication.
D’autres hypothèses étiologiques sont avancées. Elles incriminent des facteurs alimentaires comme le défaut d’apport en calcium, magnésium, acide linolénique et vitamines B et E, des facteurs psychosociaux avec un impact possible des facteurs de stress quotidiens, ainsi que des facteurs génétiques à partir du constat d’une plus grande fréquence du SPM chez les jumelles homozygotes.
Etat des lieux des traitements disponibles
Les deux grands types d’options thérapeutiques existantes reposent sur un rationnel physiopathologique(3,4). Certains traitements médicamenteux comme la contraception hormonale, les agonistes de la GnRH et les progestatifs seuls contrebalancent la sensibilité accrue aux fluctuations hormonales en inhibant la fonction ovarienne. D’autres agissent en modulant l’effet des estrogènes et de la progestérone, soit sur le système sérotonine-dopamine-GABA (IRSS), soit sur le système rénine-angiotensine-aldostérone (drospirénone, spironolactone). Les traitements alternatifs ou complémentaires ciblent les effets délétères de l’environnement à travers les règles hygiéno-diététiques ou d’un régime alimentaire de mauvaise qualité, sources de carences minérales et vitaminiques. Les méthodes de gestion contre le stress, l’exercice physique et les nutraceutiques ou « alicaments », sont des exemples de thérapies complémentaires.
Malgré des études souvent insuffisantes pour une utilisation au long court et des effets secondaires potentiels, les traitements pharmacologiques ont montré une certaine efficacité à la fois sur les symptômes physiques et psychiques, avec une place importante pour les IRSS(5) et la contraception par éthinylestradiol 20 μg-drospirénone 3 mg (24/4)(6-8). Leurs résultats mériteraient d’être étayés sur le long terme. Dans le domaine des traitements alternatifs et complémentaires, il existe une variété de solutions « naturelles » non hormonales avec un certain niveau de preuves pour la prise en charge du SPM. Des effets bénéfiques sur la symptomatologie du SPM ont été observés, entre autres, pour le safran(9-12), le petit houx(13,14), le magnésium seul ou en association avec le vitamine B6(15-19) et le zinc(20,21). Plusieurs études randomisées en double aveugle ou triple aveugle et contrôlées ont ainsi montré que l’extrait de safran (30 mg/j) pris en continu(9) ou seulement pendant la phase lutéale(11,12) permet de réduire les symptômes psychiques et physiques du SPM et du TDPM, dont la dépression, les sautes d’humeur et les ballonnements abdominaux. Son efficacité est supérieure à celle du placebo(9) et similaire à celle de la fluoxétine, avec un meilleur profil de tolérance(11,12). L’extrait de petit houx a également un intérêt dans le SPM par son action contre les mastalgies, l’œdème de cheville et les troubles de l’humeur(14). à noter que peu d’études cliniques ont été menées sur les ingrédients des compléments alimentaires. Des études randomisées, contrôlées sont donc nécessaires pour confirmer l’efficacité des actifs pris séparément, mais également dans des formulations complexes.
La gestion du SPm en pratique
A ce jour, les seules recommandations complètes dans la prise en charge du SPM sont celles du Royal College of Obstetricians and Gynaecologists (RCOG)(8). En France, il n’y a pas de recommandation ni de consensus sur cette affection. Cela pose la question de la (re)connaissance du SPM et de sa prise en charge. D’où l’importance, pour les professionnels de santé, de connaître l’ensemble des approches thérapeutiques et de savoir les utiliser à bon escient : les traitements médicamenteux, mais aussi les traitements alternatifs et complémentaires, ce d’autant que nous sommes dans une ère de recherche du bien-être, du « retour au naturel », de l’écologie en gynécologie. à noter que les thérapies complémentaires sont citées dans les recommandations britanniques.
Étant donné que les symptômes du SPM sont très hétérogènes, d’intensité différentes et variables au cours du temps, et que sa pathogénie est mal connue, il est recommandé d’utiliser une approche personnalisée, holistique et graduée dans l’évaluation et le traitement de ce syndrome. L’adaptation du traitement à la patiente est essentielle et il faut savoir que l’effet placebo est très important dans le SPM (36 à 43 %)(8). La mise en œuvre des différents types de traitements devrait se faire par étape graduée avec probablement en première ligne les règles hygiéno-diététiques, la thérapie cognitivo-comportementale et la supplémentation, puis l’allopathie en tenant compte de la sévérité des symptômes et de la tolérance et de la réponse au traitement.
Publié dans Gynécologie Pratique
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