Publié le 17 mar 2023Lecture 5 min
Obésité : sécuriser au maximum l’accouchement
Laura BOURGAULT
Tout comme l’évolution de la grossesse, l’accouchement de la femme enceinte en situation d’obésité nécessite vigilance et adaptation. Quels sont les risques de complications ? Comment les protocoles sont-ils adaptés ? Faisons le point.
La patiente obèse se trouve davantage concernée par la survenue d’un asthme, d’un syndrome d’apnée respiratoire, d’un diabète, d’une hypertension artérielle, ou encore d’une insuffisance veineuse, d’une ischémie myocardique, de coronaropathie, d’une pré-éclampsie, de la formation d’un hématome rétro-placentaire ou encore de dysfonctionnement du placenta. Ainsi « le risque de complications obstétricales doit être pris en compte et étroitement surveillé » pendant toute la grossesse, pendant chaque phase de l’accouchement et jusque dans l’accompagnement de la femme et de son nouveau-né dans le post-partum.
Privilégier les césariennes programmées ?
Concentrons -nous sur l’accouchement. « Pour rappel, l’obésité ne constitue pas une indication de césarienne. La voix basse doit être privilégiée [comparée à une césarienne en urgence, ndlr] », souligne le Pr Charles Garabedian, gynécologue obstétricien au CHR de Lille , à l’occasion du Congrès Gyn Caraïbes, organisé du 17 au 20 janvier 2023 au Gosier (Guadeloupe). « L’utérus cicatriciel devient en effet problématique, l’échec va augmenter avec l’IMC : cet échec est de 39% chez une femme obèse morbide contre 15% chez une femme non-obèse. » Autre point : « la durée d’hospitalisation est plus longue, le taux d’endométrite est plus important. »
Mais du fait de leur maladie, les futures mamans restent surexposées à un risque « de césarienne qui est doublé comparé aux femmes non obèses ». Elles endurent également davantage « de complications anesthésiques et post opératoires », déclare l’Académie de médecine.
Et à lui seul, « l’accouchement par voie basse est associé à un risque élevé de dystocie dynamique et de dystocie des épaules. Un risque triplé, essentiellement lié à la macrosomie », étayent les Prs Christelle Martres-Plard et Olivier Parant, auteurs* d’une étude publiée en 2015 dans la revue Sages-Femmes.
Sauf pour une première grossesse où l’on va favoriser la voie basse, il s’agit de « privilégier la césarienne programmée, pratiquée dans 18% des cas, comparée à l’accouchement par voie basse », affirme le Pr Garabedian. « Le taux global de morbidité est de 7% par voie basse, contre 3,5% par césarienne programmée ».
Les deux principales techniques de césarienne pratiquées chez la femme obèse relève de la rétraction céphalique ou de la rétraction caudale.
Un déclenchement voie basse efficace à 62,5%
Parmi les indications au déclenchement chez la femme obèse, on trouve quatre principaux motifs : « le prolongement de la grossesse, un diabète gestationnel, les pathologies vasculaires que sont par exemple les cas de pré-éclampsie et les ruptures de membranes à terme », étaye le Pr Garabedian. A noter que 12% des femmes dont l’IMC est supérieur à 40 kg/m² accouchent avant 38 SA.
« Le taux de succès est de 62,5% après un déclenchement voie basse, ce qui reste l’objectif »
Pour les femmes éligibles à la voie basse, 50% accouchent grâce à un travail spontané et les 50% restantes passent par un déclenchement
Les chances d’accoucher par voie basse augmentent quand la prise de poids pendant la grossesse reste modérée
Accès veineux, anesthésie locorégionale, modifications physiologiques
Et quid des risques concernant l’anesthésie ? Ils existent « notamment en cas d’anesthésie générale (abord veineux, intubation difficile) ». En effet, à l’accouchement, l’obésité rend « l’accès veineux difficile, l’anesthésie locorégionale également difficile voire impossible », complètent les auteurs d’un travail publié sur le sujet dans la Revue de Médecine Périnatale. Ces mêmes patients présentent « un risque augmenté d’intubation difficile, de régurgitation et donc d’inhalation de liquide gastrique ». Sans compter « les modifications physiologiques**, notamment cardiovasculaires et respiratoires liées à l’obésité, auxquelles d’éventuelles comorbidités liées à la grossesse peuvent se surajouter ».
Autant de possibles complications exposant « à une morbimortalité anesthésique supérieure à la population non obèse ». Plus globalement, « la morbidité pédiatrique (transfert néonatal) et la maternelle périnatale (anémie, complications infectieuses et thromboemboliques) est augmentée », soulignent les mêmes chercheurs.
Des protocoles opératoires spécifiques
Plusieurs mesures sont donc prises pour assurer un maximum de sécurité à la patiente et à son nouveau-né. « Les modalités opératoires doivent être adaptées (matériel spécifique, voie d’abord, durée opératoire, prophylaxie anti-thrombotique…) », soulignent les Prs Martres-Plard et Parant.
Pour les césariennes, « le risque d’infection de site opératoire et d’endométrite étant supérieur chez la patiente obèse vs non obèse, l’antibioprophylaxie devra être optimisée », reprennent les auteurs de la Revue de Médecine Périnatale.
Maternités de type 2 et 3
« Hors situation d’obésité, les femmes accouchent à 59% dans le public, à 40% dans le privé, selon les données enregistrées entre 1999-2009 », précise le Pr Charles Garabedian. « Quand l’IMC est supérieure à 40 kg/m², dans le cadre d’obésité massive donc, 72% des femmes accouchent dans le public et 28% dans le privé. »
Autres données : « 38% des femmes non obèses accouchent dans une maternité de type 1, idem pour les types 2 et 22% pour les types 3 », souligne le Pr Garabedian. Une répartition différente concernant les femmes atteintes d’obésité massive, « avec un glissement vers les maternités de type 2 et 3. Dans les maternités qu’elles soient publiques ou privées, la prise en charge des accouchements de femmes en situation d’obésité se fait surtout dans des établissement à gros volume d’activité. »
Si les complications materno-fœtales ne sont pas systématiques, l’accouchement de la femme obèse reste une situation obstétricale à risque. Laquelle suppose un protocole le plus possible basé sur la prévention, dans l’objectif de réduire au maximum le risque de césarienne en urgence, acte particulièrement dangereux dans le cadre d’une obésité.
*Pôle de gynécologie-obstétrique, hôpital Paule-de-Viguier, CHU de Toulouse
**altération de la mécanique ventilatoire, de la fonction cardiaque et myocardique
***la chirurgie bariatrique doit survenir 12 à 18 mois avant la conception
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