Publié le 17 déc 2023Lecture 4 min
Classification de Grenoble : évaluer les pratiques et améliorer la qualité des soins
Laura BOURGAULT, Nantes
La classification de Grenoble ne correspond pas à de l’evidence based medicine mais à une évaluation des pratiques. Les précisions du Pr Didier Riethmuller, chef de service du pôle Médecine de la Reproduction, Obstétrique, Gynécologie, au CHU Grenoble Rhône Alpes.
“L’evidence based medicine, malheureusement nous manque trop souvent et cruellement dans notre discipline”, souligne le Pr Didier Riethmuller, chef de service du pôle Médecine de la Reproduction, Obstétrique, Gynécologie, au CHU Grenoble Rhône Alpes. “Dans les faits, l’évaluation de l’obstétrique moderne repose sur 4 indicateurs” :
Les lésions obstétricales du périnée liées aux césariennes, dans lesquelles “la classification de Robson, reconnue par l’OMS, est très largement utilisée”
Les lésions obstétricales du périnée, là où nous utilisons la classification du Royal college. Les lésions iatrogènes du périnée liées aux épisiotomies, dans lesquelles nous utilisons la classification de Bourgogne. “Sachant que heureusement, grâce à plusieurs recommandations du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) et à certains leaders d’opinion, le taux d’épisiotomie en France a très notablement diminué”
Le taux d’accouchement instrumental “pour lequel nous ne disposons aujourd’hui pas d’outils pour évaluer les pratiques”
Concernant le taux de déclenchement artificiel, “il y avait une classification, celle de Nippita, qui s’est finalement avérée être une mauvaise classification”, atteste le Pr Riethmuller. “Et quand nous faisons un état des lieux sur le déclenchement en France, c’est vrai que nous avions pratiquement une petite satisfaction à l’instar de ce que l’on connaissait pour la césarienne”.
Que disent ces chiffres ? “Grosso modo, en 2016, il y avait 22% des femmes, soit une femme sur cinq, qui relevait d’une indication médicale du déclenchement”. C’est-à-dire 175 000 femmes par an en France. “Puis, selon les données de l’ENP 2021, une augmentation très importante a été rapportée, +14% presque +15%, du taux de déclenchement, soit une femme sur quatre”.
Et à l’échelle européenne ?” Selon Euro-Peristat, en 2010, seuls 6 pays européens ont des taux d’induction artificiels du travail supérieurs à la France. Ce que l’on voit, c’est que finalement les pays qui ont le moins recours à la césarienne sont les pays nordiques avec des taux compris entre 14% et 19%. Et quand on regarde la pratique en termes d’accouchement instrumental ou de césarienne, on voit, comme par hasard que ces mêmes pays nordiques, sont aussi ceux qui font le moins de césariennes en Europe”.
Autres points édifiants : “selon l’enquête 2019 Euro-Peristat, nous voyons seulement les données sur les taux d’accouchement instrumentaux, de césariennes, mais le taux de déclenchement en Europe ne figure plus, comme si cela ne préoccupait personne et que cette induction artificielle du travail devenait la méthode naturelle d’accouchement”, appuie le Pr Riethmuller.
Césariennes, épisiotomie, déclenchement : un outil parfait d’évaluation ?
Selon l’étude ARRIVE, la pratique du déclenchement augmente significativement le taux d’occupation des salles de naissance. “D’où la nécessaire réorganisation des soins si le recours au déclenchement atteint les 20%.” Reste “qu’il est indispensable d’évaluer ses pratiques car ces dernières génèrent des coûts et potentiellement des risques”.
Il se trouve que pour évaluer la pratique de césarienne, “la classification de Robson, simple et robuste, repose sur cinq indicateurs obstétricaux accessibles dans tous les dossiers obstétricaux et donc applicables dans toutes les maternités du monde. Une classification par ailleurs recommandée par l’OMS depuis 2015”.
Et que dire plus en détails sur la classification de Nippita ? “Cette dernière a voulu faire un copier-coller de la classification de Robson avec dix critères pour classer les déclenchements artificiels du travail. Mais l’intérêt de découper des groupes et sous-groupes, et d’inclure un groupe avec utérus cicatriciels pour engager un déclenchement, pose question. Je ne comprends pas. Je ne suis pas le seul puisque depuis 2015, plus aucune publication n’est sortie concernant l’utilisation de cette classification”.
8 groupes de patientes pour la Classification de Grenoble
Conséquence de cela : “tenter de mettre au point une classification dite de Grenoble plus logique, plus simple, qui à la fois permettrait selon les principes de la classification de Robson, d’inclure toutes les patientes dans un groupe, et que chaque patiente puisse être classée dans un seul et unique groupe”.
Sur quels critères obstétricaux se base-t-on ? “Sur des critères simples présents dans tous les dossiers des patientes, que le tout soit reproductible avec des groupes inclusifs et mutuellement exclusifs Nous avons donc abouti à 8 groupes” :
grossesses multiples
accouchements en siège
situations de prématurité
situations des ruptures des membranes à terme (indication fréquente d’induction artificielle du travail)
situations de grossesses prolongées
grossesses à terme non prolongées avec une pathologie maternelle
grossesses à terme non prolongées sans pathologie maternelle
et le dernier groupe comprend les absences d’indication médicale
“En 7 questions, nous pouvons donc classer toutes les patientes.” Cette méthode a été validée “par 13 experts nationaux impliqués sur le terrain qui sont rapidement tombés d’accord sur une pertinence jugée favorable pour 9 des 13 experts”.
Les 5 critères de l’étude reposaient sur :
le nombre de foetus
la présentation du foetus
l’âge gestationnel
la présence d’une rupture des membranes à terme
la présence d’une pathologie maternelle ou foetale
Cette classification de Grenoble permet de classer toutes les patientes. Cette évaluation permet d’évaluer les pratiques, de se comparer chaque année au sein d’un même service et d’une maternité à l’autre. Elle vise aussi la standardisation des pratiques voire l’amélioration de la qualité des soins. Avec comme point central dans notre déontologie de“ne pas prendre de risque certain pour un bénéfice incertain”, conclut le Pr Riethmuller.
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