Publié le 12 déc 2024Lecture 4 min
Sécurité des soins obstétricaux : une charge de travail très élevée pour 21% des sages-femmes
Laura BOURGAULT, Nantes
Organisé en octobre 2024, le 53ème Congrès de la Société française de médecine périnatale (SFMP) était l’occasion de faire le point sur la sécurité des soins obstétricaux en France. Rappel des chiffres de la mortalité infantile en France et zoom sur quatre indicateurs : la triple permanence des soins, le recours aux intérimaires, la charge de l’activité des sages-femmes et les équipes en tension.
D’après la communication de Salomé Dumeil, gynécologue-obstétricienne à Paris
En France, la mortalité infantile* est en augmentation, contrairement aux données recueillies dans les autres pays européens. Ainsi, depuis 2015, les chiffres français sont supérieurs à la moyenne européenne alors qu’ils étaient parmi les plus bas à la fin du 20ème siècle. En Europe actuellement, la mortalité infantile ne cesse de diminuer, même si cette diminution est de plus en plus timide.
La moitié de décès infantiles avant 1 semaine de vie
En 2021 en France, un total de 2 700 enfants sont décédés dans leur première année de vie (3,7 décès pour 1 000 naissances vivantes). Un taux « historiquement bas », certes, qui ne « baisse plus depuis 2005 », révélait à ce sujet l’Insee(1). Ce taux « a même légèrement augmenté entre 2014 et 2017, en particulier en ce qui concerne la mortalité dans les premiers jours de la vie ». La moitié de ces décès surviennent en effet une semaine après la naissance, un quart de 7 à 27 jours et le dernier quart plus de 27 jours. La mortalité néonatale précoce, c’est-à-dire les décès rapportés avant 7 jours, est passée de 1,6‰ en 2005 à 2,0‰ en 2017 et 1,9‰ en 2021.
La mortalité infantile est la plus élevée en Outre-mer et en Seine-Saint-Denis. Elle reste supérieure à la moyenne nationale en Indre-et-Loire, dans le Jura, le Lot, en Île-de-France, dans le Centre-Val de Loire et le Grand Est. Les chiffres de la mortalité infantile sont en revanche inférieurs à la moyenne nationale en Provence-Alpes-Côte d’Azur et dans les Pays de la Loire.
Permanence des soins, stabilité et solidité des équipes
Pour quelles raisons la mortalité infantile ne diminue-t-elle pas ? « Les données d’état civil ne permettent pas de disposer d’informations d’ordre médical, relayait l’Institut national d’études démographiques (Ined) en août 2023(2). Seules des hypothèses visant à expliquer cette augmentation sont émises ». Quelles sont-elles ? Le surpoids des femmes, la prévalence du tabagisme, la hausse du nombre de femmes et de couples souhaitant poursuivre leur grossesse malgré la proposition d’une IMG dans le cadre d’une affection fœtale engageant le pronostic vital de l’enfant à naître(3). Autres facteurs : « la hausse de l’âge des mères au moment de l’accouchement, l’accroissement des grossesses multiples, les situations de précarité ou encore une dégradation du circuit de soins ».
Comment alors, à l’orée de ces chiffres, ne pas interroger ce dernier point : celui de la sécurité et l’organisation des soins obstétricaux ? Comment ne pas scruter à la loupe les indicateurs que sont « la permanence des soins, la stabilité et la solidité des équipes » ? Autant de « facteurs d’amélioration identifiés », étayés par le Dr Salomé Dumeil, gynécologue-obstétricienne à Paris et ses collègues associés au projet de recherche en épidémiologie obstétricale et pédiatrique (EPOPé – Inserm, Paris).
Ces scientifiques ont souhaité y voir plus clair dans l’organisation des soins dans les maternités de France, entre 2016 et 2021. A partir des données issues des Enquêtes Nationales Périnatales (ENP) et de la Statistique Annuelle des Etablissements, l’équipe du Dr Dumeil a précisément étudié 4 indicateurs :
La triple permanence des soins (obstétricien, anesthésiste, pédiatre 24/7)
Les équipes en tension (obstétriciens inférieur à 7 ETP)
La charge de travail des sages-femmes
Le recours aux intérimaires
96% des établissements concernés
Résultats : en 2016, 497 maternités ont pratiqué 752 795 accouchements, contre 685 310 accouchements enregistrés dans 456 maternités en 2021. Parmi elles, 42.5% effectuaient moins de 1 000 accouchements par an.
Au total, « 96% des établissements étaient affectés par la dimension négative d’au moins un des indicateurs organisationnels explorés ». Voici les données de 2021 :
55.4% des établissements n’étaient pas en mesure d’assurer la triple permanence des soins
63% des équipes obstétricales se trouvaient en tension
21.1% des équipes de sages-femmes enduraient une charge de travail très élevée
67.5% des maternités avaient recours aux intérimaires dans les effectifs des sages-femmes et/ou des obstétriciens et/ou des anesthésistes et/ou des pédiatres sur une durée supérieur à 1 mois
Ces données sont plutôt stables entre 2016 et 2021. Mais de fortes disparités existent selon les régions, les types et tailles d’établissement. Précisément :
73.7% des maternités rapportant plus de 3 000 accouchements par an ont eu recours à des intérimaires
La triple permanence des soins était assurée dans plus de 1 maternité sur 2 à travers 4 régions seulement : la Bourgogne-Franche-Comté, l’Ile-de-France, la Normandie, les Pays de la Loire.
En conclusion, il s’avère que « les problématiques organisationnelles discutées concernent la plupart des établissements. » A l’avenir, « explorer leur impact sur la santé des nouveau-nés est nécessaire pour progresser dans la réflexion ».
*rapport entre le nombre d’enfants décédés avant l’âge d’un an et l’ensemble des enfants nés vivants cette même année.
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