Douleur
Publié le 17 jan 2011Lecture 7 min
Grossesse extra-utérine : urgence médicale ou chirurgicale ?
C. HUCHON*,**, T. POPOWSKI*,**, F. LÉCURU*, A. FAUCONNIER**,*** *Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris **Centre Hospitalier Intercommunal de Poissy - Saint Germain en Laye, Poissy ***Inserm U953, Hôpital Saint Vincent de Paul
La prévalence des grossesses extrautérines (GEU) est estimée, en France, entre 1 et 2 % des grossesses et les GEU représentent un quart des algies pelviennes aiguës ayant eu une coelioscopie. Le traitement de la GEU peut être médical, mais la référence de traitement reste chirurgicale. Il faut, bien sûr, ne pas méconnaître le diagnostic de GEU pour lequel on pourra s’appuyer sur des algorithmes diagnostiques. L’urgence absolue dans le cadre de la GEU est le diagnostic de ses formes compliquées qui peuvent engager le pronostic vital. En effet, une rupture de la trompe de Fallope, un saignement actif ou bien un hémopéritoine massif ne doivent souffrir aucun retard diagnostique, afin d’en réaliser une prise en charge chirurgicale optimale et ce, dans les meilleurs délais.
Diagnostic de GEU Facteurs de risque
Dans la GEU, plusieurs facteurs de risque sont reconnus. Une patiente avec antécédent de GEU a plus de risque de réitérer cette pathologie. De même, les antécédents de chirurgie ou de stérilisation tubaire, tout comme les pathologies tubaires qui peuvent être favorisées par des antécédents d’infection génitale haute et la multiplicité des partenaires sexuels, augmentent la probabilité de GEU. Enfin, un âge supérieur à 40 ans, une consommation de tabac ou une exposition in utero au diéthylstilbestrol (DES) augmente l’incidence de la GEU. À noter que les femmes porteuses d’un dispositif intra-utérin, lorsqu’elles s’avèrent être enceintes, ont plus souvent une localisation de grossesse ectopique que les autres patientes.
Symptômes
En cas de métrorragies ou d’algie pelvienne aiguë chez une femme enceinte, il est retrouvé 10 % de GEU. L’existence de métrorragies chez une femme enceinte oriente vers une évolution anormale de la grossesse, mais leurs caractéristiques ne permettent pas le diagnostic différentiel entre une fausse couche spontanée et une GEU, d’autant plus que les métrorragies sont absentes dans 20 % des GEU. En règle générale, lorsqu’elles sont algiques, les patientes présentent une douleur latéralisée en fosse iliaque droite ou gauche. Une douleur diffuse ou bilatérale est plutôt en faveur d’un épanchement intrapéritonéal, tout comme les scapulalgies qui traduisent l’irritation du péritoine diaphragmatique. L’existence de signes d’irritation péritonéale, de défense ou de douleur de rebond est aussi en faveur d’un hémopéritoine. Cependant, l’examen clinique peut être strictement normal.
Diagnostic biologique de grossesse
Cinquante pour cent des GEU étant des échecs de contraception, le test de grossesse doit être systématique. Nous préconisons de réaliser un test qualitatif urinaire de grossesse, suffisamment fiable en pratique, en première intention. S’il s’avère positif, nous réalisons un dosage plasmatique quantitatif des β-hCG.
Échographie
L’échographie est indispensable, couplée à la biologie, dans le diagnostic et la prise en charge des GEU. Elle doit être réalisée de manière standardisée, au mieux par voie endovaginale et transpariétale. Cinq clichés doivent être systématiques : une coupe sagittale de l’utérus, une coupe transversale de l’utérus, une coupe de chaque ovaire et une coupe de l’espace de Morison. L’examen recherche d’abord la présence d’une grossesse intra-utérine dont le diagnostic est affirmé par la présence d’un sac intrautérin contenant un embryon ou une vésicule vitelline. La présence d’une grossesse intrautérine va à l’encontre du diagnostic de GEU puisque la présence d’une grossesse hétérotopique est exceptionnelle, hors contexte de procréation médicalement assistée. Le diagnostic positif de GEU peut être certain lorsqu’un sac extra-utérin ou un embryon sont visibles à l’échographie. Plus souvent, l’échographie retrouvera des signes indirects de GEU : vacuité utérine, épanchement du cul-de-sac de Douglas, hématosalpinx. Lorsque l’échographie n’est pas concluante, elle sera contrôlée en association au taux d’hCG 48 heures plus tard. L’utilisation des coupes échographiques standardisées permet d’apprécier la présence et l’abondance d’un épanchement intrapéritonéal. La présence d’un épanchement dépassant le fond utérin sur la coupe sagittale ou présent autour des ovaires est prédictif d’un hémopéritoine de plus de 300 cm3.
Utilisation pratique du couple hCG-échographie
La vacuité utérine est d’autant plus suspecte que le taux d’hCG est élevé. Le seuil de 1 000 mUI/ml est classiquement retenu comme le seuil normal de visualisation d’un sac intra-utérin par échographie endovaginale. Cependant, dans plus de la moitié des GEU, le dosage initial des hCG est en dessous de ce seuil, ce qui ne permet pas, en l’absence de signes échographiques, de distinguer une grossesse intrautérine (GIU) d’une GEU. De plus, une rupture tubaire peut survenir même en cas de bas taux d’hCG. L’analyse de la cinétique des hCG est donc utile en cas de valeurs inférieures à ces seuils sans diagnostic échographique de certitude. Les dosages doivent être répétés au sein du même laboratoire, idéalement dans un délai de 48 heures.
Diagnostic des formes compliquées de GEU
Le premier critère à rechercher, outre l’instabilité hémodynamique, est un hémopéritoine de plus de 300 cm3, qui peut signer un saignement actif. Le seul diagnostic de certitude est chirurgical. À défaut d’opérer toutes les patientes pour s’assurer de l’absence d’hémopéritoine, il a été développé des aides à la décision clinique. L’échographie abdominale, développée par les urgentistes dans le cadre des traumatismes abdominaux, est d’un grand recours. On sait que la présence d’un épanchement dans la loge de Morison a une sensibilité > 95 % pour un hémopéritoine d’un litre ou plus. Nous avons retrouvé, dans une étude réalisée dans le service, comme facteurs prédictifs indépendants d’un hémopéritoine de plus de 500 cm3 : une douleur pelvienne spontanée cotée à > 4 à l’échelle numérique subjective, un taux d’hémoglobine < 10 g/dl, une défense, une douleur à la mobilisation utérine et à l’échographie endovaginale, un épanchement périovarien ou supérieur au fond utérin, ainsi que la présence d’un épanchement dans la loge de Morison à l’échographie transpariétale. Nous bénéficions donc de moyens pour diagnostiquer l’hémopéritoine, mais il n’existe à l’heure actuelle aucune étude fiable publiée pour réaliser le diagnostic de rupture tubaire, dont l’hémopéritoine n’est que la conséquence. Cependant, nous réalisons actuellement une étude basée sur l’expérience nociceptive au travers de caractéristiques neurosensorielles ressenties chez les patientes ayant présenté une rupture tubaire et dont les premiers résultats semblent prometteurs (projet hospitalier de recherche clinique AIDDA).
Traitement
Surveillance simple
Certains auteurs autorisent, sous certaines conditions, une surveillance simple en cas de GEU. Pour bénéficier d’une surveillance simple, les patientes ne doivent pas présenter d’élément embryonnaire à l’échographie initiale. De plus, le taux initial d’hCG doit être < 3 000 mUI/ ml et le ratio d’hCG contrôlé à 48 heures sur le taux d’hCG initial doit être < 0,8. Par ailleurs, les patientes doivent être compliantes au suivi et pouvoir être rapidement hospitalisées en cas d’événement intercurrent.
La surveillance consiste alors en une échographie pelvienne endovaginale et deux dosages d’hCG plasmatiques par semaine jusqu’à négativation totale.
Traitement médical
Le traitement par méthotrexate a révolutionné la prise en charge des GEU, qui étaient auparavant toutes opérées. L’injection de méthotrexate peut se faire par voie systémique, en intramusculaire, ou par injection locale, transvaginale par guidage échographique, sous coelioscopie, ou bien intratubaire par guidage hystéroscopique. Les indications de traitement par méthotrexate se présentent chez des patientes paucisymptomatiques, compliantes au suivi, avec un accès facile et rapide à l’hospitalisation.
On retient comme indication un taux d’hCG < 5 000 mUI/ml avec un hématosalpinx de < 4 cm à l’échographie. Les contre-indications au méthotrexate sont présentées dans lʼencadré ci-contre. Aujourd’hui, il n’existe aucun élément de preuve supporté par la littérature attestant de la supériorité de réaliser plusieurs injections de méthotrexate comparativement à une seule en termes d’efficacité pour le traitement des GEU. Le taux d’échecs du traitement médical est de l’ordre de 20 %, ce dont il faut prévenir les patientes. Les indications des injections in situ de méthotrexate sont essentiellement représentées par les grossesses interstitielles et les grossesses sur cicatrices d’hystérotomie, associées ou non à une injection parentérale.
Traitement chirurgical
Les indications du traitement chirurgical, qui reste la référence, sont toutes les formes compliquées de GEU (rupture tubaire, hémopéritoine massif et saignement actif) ainsi que toutes les contre-indications du traitement médical. Le traitement chirurgical sera idéalement réalisé par laparoscopie, qui permettra de faire le diagnostic dans un premier temps avant d’être thérapeutique. La thérapeutique chirurgicale peut être un traitement conservateur (salpingotomie) ou un traitement radical (salpingectomie). Les indications de salpingotomie que nous retenons sont : un taux d’hCG < 10 000 mUI/ml, un hématosalpinx < 4 cm ou bien des adhérences massives rendant une adhésiolyse étendue délétère avec risque de plaies digestives. Une injection unique de méthotrexate intramusculaire en postopératoire réduit de manière significative la persistance de trophoblaste. Nous réalisons plus volontiers une salpingectomie si l’annexe controlatérale est saine, si la patiente est suivie en AMP, si la trompe est très altérée, rompue, siège de récidive ou saigne de manière incoercible après salpingotomie, si la patiente n’a pas de désir de grossesse ultérieure ou s’il s’agit d’une grossesse hétérotopique.
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