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Obstétrique

Publié le 29 jan 2012Lecture 5 min

Qu’est-ce qu’une prise de poids normale au cours de la grossesse ?

A. FACY, CHU de Dijon

La prise de poids en cours de grossesse est physiologique. Il est habituellement recommandé aux parturientes une prise de poids de 9 à 12 kg. En réalité, la prise de poids idéale est corrélée à la corpulence initiale des patientes. La prise de poids excessive expose les femmes à des complications sur le plan maternel (HTA, prééclampsie), obstétrical (HDD, césarienne) et néonatal (apgar faible, hypoglycémie, inhalation méconiale, macrosomie). La prise de poids insuffisante est, quant à elle, associée à un fort risque de prématurité, de retard de croissance et de petit poids de naissance. Dans les deux cas, il convient de sensibiliser et d’informer les patientes sur les conséquences de leur insuffisance ou de leur excès de prise de poids. Ces grossesses doivent être considérées à risque et bénéficier d’une surveillance attentive.

La prise de poids normale La prise de poids pendant la grossesse est un phénomène physiologique lié au développement du foetus et des annexes foetales et à certaines modifications métaboliques maternelles. Elle n’est pas linéaire et est surtout marquée aux 2e et 3e trimestres. La prise de poids généralement admise est de 9 à 12 kg. Si l’on considère une prise de poids de 12,6 kg en cours de grossesse, sa répartition est montrée dans le tableau 1. En 1990, puis en 2004, l’IOM (Institute Of Medecine) a proposé des recommandations concernant la prise de poids optimale pendant la grossesse. Cette dernière serait ainsi fonction de la corpulence initiale des femmes, calculée par l’indice de masse corporelle (IMC) (tableau 2). La prise de poids maximale ne devrait donc pas excéder 18 kg chez la femme de poids normal. Chez la patiente obèse, il est recommandé une prise de poids moindre. Pourtant, l’étude de la littérature et la pratique quotidienne montrent que les femmes ont tendance à prendre davantage de poids que celui recommandé. Conséquences d’une prise de poids excessive Quelles en sont alors les conséquences ? Qu’implique cette prise de poids en termes de surveillance ?   Conséquences obstétricales et maternelles Peu d’études se sont intéressées à la prise de poids excessive chez les patientes de poids normal avant la grossesse. Deruelle, en 2004, a conclu que les patientes avec une prise de poids excessive (définie comme > 18 kg) ont un risque accru de complications vasculaires (HTA gravidique et prééclampsie), de césarienne, d’hémorragie de la délivrance et un allongement de la durée du travail. À noter que la prise de poids excessive était fréquemment associée à l’arrêt du tabac. En 2009, Crane a confirmé ces données. Dans cette étude, les patientes en surpoids avant la grossesse sont également à risque d’HTA mais aussi de macrosomie. Les auteurs concluent que la prise de poids « normale » dépend donc de l’IMC avant la grossesse et qu’il convient de respecter les recommandations afin de ne pas augmenter les risques d’HTA, de césarienne, d’HDD, de macrosomie. Concernant le diabète gestationnel, les études ne mettent pas en évidence d’augmentation du taux de diabète avec la prise de poids. Il semblerait que la survenue d’un diabète gestationnel soit davantage liée à l’IMC initial. Parmi les patientes présentant un diabète gestationnel, la prise de poids excessive impliquerait une augmentation du risque d’accouchement prématuré, du poids de naissance et de césarienne. A contrario, une prise de poids inférieure à celle recommandée permettrait un meilleur équilibre glycémique mais augmenterait le risque de RCIU et de petit poids de naissance. La prématurité semble, elle aussi, plus fréquente en cas de prise de poids excessive. Selon une étude de 2006, les patientes qui prennent > 790 g par semaine ont deux fois plus de risque d’accoucher avant 32 SA que celles dont la prise de poids est « normale » et ce, quel que soit l’IMC initial. Au-delà des conséquences obstétricales, le problème de la prise de poids est celui de l’après grossesse. Nombreuses sont les femmes à garder un surpoids plusieurs mois après l’accouchement. Cet effet peut s’accentuer à chaque grossesse et conduire à un surpoids, voire à une obésité. L’allaitement ne semble pas favoriser la perte pondérale dans le post-partum.   Conséquences néonatales Selon une étude de 2006, la prise de poids excessive est associée à un plus faible score d’apgar à 5 min de vie, à de plus fréquentes hypoglycémies, à une augmentation du taux d’inhalation méconiale. Le poids de ces enfants est également supérieur (à terme égal) à celui d’enfants dont les mères ont respecté les recommandations. Dans cette étude, le seuil de prise de poids était également fixé à 18 kg. Il faut donc avertir les patientes que la prise de poids excessive a des conséquences non seulement maternelles, obstétricales, mais aussi néonatales. Ce dernier argument aura peut être plus de « poids » pour les futures mères afin de les motiver à faire attention et à ne pas manger pour deux !   Conséquences d’une prise de poids insuffisante Même si cette situation est moins fréquente, certaines patientes ne prennent que peu ou pas de poids pendant leur grossesse. Si cet élément semble plutôt recommandé pour les patientes initialement obèses, qu’en est-il pour les patientes ayant un IMC normal en début de grossesse ? Différents auteurs ont démontré que le poids de naissance de l’enfant était corrélé à l’IMC initial de la mère et à la prise de poids pendant la grossesse. Les patientes ayant un IMC normal et qui prennent moins de 11 kg sont deux fois plus exposées à un retard de croissance in utero. À l’inverse, elles sont moins à risque de disproportion foeto-pelvienne, de prééclampsie, de césarienne. Concernant les patientes dont l’IMC est faible (< 20), la complication la plus fréquemment retrouvée est la prématurité. Ce surrisque diminue si la patiente prend du poids comme recommandé au cours de sa grossesse. Enfin, une prise de poids insuffisante en cours de grossesse est, du fait de la prématurité et du petit poids de naissance, aussi associée à plus d’échec de l’allaitement maternel ainsi qu’à une durée d’hospitalisation plus longue.   Conclusion Il existe un lien certain entre la prise de poids pendant la grossesse et la survenue de complications obstétricales, néonatales et maternelles. Ces complications sont dépendantes de l’IMC initial et une prise de poids optimale ne peut donc être définie sans tenir compte de la morphologie de la patiente. Les recommandations de l’IOM semblent validées par les différentes études. Le seuil de 18 kg doit être retenu comme celui au-delà duquel le risque de complications materno-foetales est accru pour les femmes de poids normal ; pour les patientes obèses, ce seuil est abaissé à 9 kg. En cas d’IMC faible, il convient d’insister sur l’intérêt de maintenir une prise de poids au cours la grossesse afin de diminuer le risque de prématurité et de RCIU. La grossesse est un moment privilégié pour rappeler les règles de diététique et éviter aussi bien les régimes restrictifs que la prise de poids excessive. Cette donnée est particulièrement importante chez les jeunes primipares puisqu’une prise de poids excessive lors de la première grossesse est corrélée à la survenue ultérieure d’obésité morbide et de ses complications.

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