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Gynécologie de l'adolescente

Publié le 06 mai 2015Lecture 7 min

Vaccins HPV : expériences vaccinales dans le monde

F. NICOLAS, J. LEVEQUE, CHU Anne de Bretagne, Rennes

Une vaccination HPV précoce et organisée comme en Angleterre ou en Australie est la clé d’une couverture vaccinale optimale et d’une bonne observance du schéma vaccinal à 3 doses*. La France a modifié ses recommandations en permettant une vaccination entre 11 et 14 ans, mais en l’absence d’un programme vaccinal promu par les autorités de santé, les médecins se doivent d’agir auprès des jeunes patientes, en insistant sur l’information, et auprès des mères, en insistant sur la sécurité du vaccin, avec des éléments rassurants émanant des plans de gestion de risque. Une politique vaccinale nationale permettrait, de plus, de corriger les inégalités d’accès à la prévention (primaire et secondaire par dépistage) des femmes les plus défavorisées, qui sont les plus exposées au cancer du col utérin.

Quarante-deux nations ont émis des recommandations concernant la vaccination contre les virus HPV afin d’assurer la prévention primaire des lésions malignes dues à HPV 16 et 18 en particulier (vaccins bi- et quadrivalent) et des verrues génitales provoquées par HPV 6 et 11 (vaccin quadrivalent). Trente-neuf programmes bénéficient d’un financement gouvernemental avec des indications variables selon les pays concernant le type du vaccin, la cible (certains pays prônant la vaccination des garçons) et les modalités vaccinales (âge du début et rattrapage). Si le vaccin est un modèle d’efficacité avec une protection conférée large (près de 100 % des patientes naïves vis-à-vis des génotypes présents dans le vaccin sont protégées après vaccination, sans compter la protection croisée) et une grande sécurité d’utilisation (après plus de 100 millions de doses vendues dans le monde, les agences gouvernementales sont unanimes à encourager la vaccination), la vaccination – c’est-à-dire l’implémentation de ce vaccin en population –, malgré des preuves d’efficacité en population vis-à-vis des lésions pré-malignes cervicales, peine à s’imposer dans certains pays, dont le nôtre. Quatre pays, deux modèles, une conclusion Deux paramètres prédisent l’efficacité d’une vaccination : la couverture vaccinale, c’est-à-dire le pourcentage de la population cible recevant effectivement la vaccination, et l’observance, soit chez les vaccinées le pourcentage de sujets vaccinés selon le schéma vaccinal optimal conférant la protection maximale. En analysant les pratiques de quatre pays, dont la France (tableau), il apparaît clairement que couverture vaccinale et observance dépendent d’une vaccination organisée et précoce : – l’Angleterre et l’Australie ont une politique vaccinale volontariste avec une vaccination précoce et prônée à l’école en collaboration avec les médecins généralistes : à ce titre, 87 % et 73 % des enfants de 12-13 ans sont vaccinés correctement ; – la France et les États-Unis, avec une vaccination opportuniste, ont des taux de couverture très inférieurs, avec seulement un peu plus de 30 % des sujets de la cible privilégiée (respectivement 14 ans et 11-12 ans) ayant reçu les doses de vaccin recommandées*, et une vaccination tardive ayant pour conséquence, chez les sujets vaccinés le plus tardivement, une couverture vaccinale et une observance moins bonnes. Une vaccination précoce et organisée à l’école permet d’obtenir une bonne couverture vaccinale et une bonne observance du schéma vaccinal à 3 doses*.     Les objectifs vaccinaux français ne sont pas remplis En étudiant l’échantillon généraliste des bénéficiaires (500 000 sujets représentant 1/97e du régime général) au 31 décembre 2009, Fagot et coll.(1) ont montré que si 96,5 % des vaccins étaient effectués en accord avec les recommandations 2007 du Haut conseil de la santé publique (HCSP), la tranche d’âge des 14 ans n’était pas la plus couverte, que le respect du schéma 3 doses* était loin d’être optimal, et ce d’autant plus que la vaccination survenait tardivement (figure 1). De plus, dans une adresse récente, le HCSP insiste sur une baisse de la couverture vaccinale entre 2010 et 2011 dans toutes les tranches d’âge concernées (figure 2). Ainsi, la situation vaccinale en France pouvait se définir comme une vaccination trop tardive, donc aux dépens de la couverture et de l’observance, un rattrapage privilégié, éthiquement compréhensible mais constituant un frein indirect à une vaccination précoce, et des objectifs vaccinaux mal perçus par la population. La France n’atteint pas les objectifs vaccinaux fixés par le Haut Conseil et une certaine défiance s’installe vis-à-vis du vaccin, reflet de la défiance générale à l’égard des médicaments.   Figure 1. Couverture et observance vaccinale en France (d’après Fagot et coll.(1)).   Figure 2. Évolution de la couverture vaccinale entre 2010 et 2011 en France.     Les pistes pour mieux faire La modification du calendrier vaccinal Dans son avis du 28 septembre 2012, le HCSP a conseillé une vaccination HPV entre 11 et 14 ans (donc concomitamment avec les vaccinations DTCoq et le rattrapage de la vaccination HVB) et a limité le rattrapage aux tranches d’âge 15-19 ans inclus. Cette décision devrait permettre une meilleure couverture vaccinale et une meilleure observance, et devrait faire perdre au vaccin HPV une connotation sexuelle injustifiée préjudiciable à la vaccination. Convaincre les jeunes filles Une publication de Mehu-Parant et coll.(2), portant sur 606 étudiantes toulousaines, s’est intéressée aux motifs allégués par les 30,4 % des étudiantes non vaccinées : 56 % d’entre elles ne connaissaient pas le vaccin, 21 % craignaient d’éventuels effets secondaires, 11 % s’estimaient non à risque, 1 % jugeait le vaccin inutile… et 1 % se l’était vu déconseiller. On voit donc qu’un effort de communication et d’information doit être entrepris en direction des jeunes filles, y compris parmi celles ayant accès aux études supérieures. Convaincre les mères Les jeunes filles consultent peu : moins de 3 fois par an en moyenne et 15 % des 10-18 ans ne voient aucun médecin dans l’année ; l’avis parental est donc décisif. Informer les mères vise à les convaincre de vacciner leurs filles avant les premiers rapports sexuels et rassurer sur les effets indésirables, en particulier l’absence de surrisque de maladie autoimmune lié au vaccin. À ce titre, deux études françaises sont à notre disposition : – une étude de cohorte pilotée par l’Assurance maladie suivant 1 774 622 jeunes filles de 11 à 15 ans, dont 34 % ont été vaccinées : aucune différence n’a été mise en évidence entre les vaccinées et les non vaccinées en termes de déclaration de maladie autoimmune (respectivement 2,01 et 2,09/10 000 patientes-années, soit un HR = 1,08 [95 % IC : 0,91-1,29]) ; – une étude cas-témoins issue du réseau franco-canadien d’études PGRx, où 109 centres français ont ciblé 9 maladies auto-immunes chez des patientes ayant été vaccinées par le vaccin quadrivalent : 248 cas de MAI ont été appariés à 1 001 témoins et le pourcentage de vaccinées était statistiquement identique chez les cas et les témoins (10,5 % et 23,2 % respectivement, soit un OR = 0,72 [0,45-1,18]). Convaincre les autorités de santé Les modélisations françaises(3) sont très en faveur d’un dépistage organisé associé à une couverture vaccinale à 80 % (taux recommandé par le HCSP) permettant une diminution du nombre de CIN à traiter et une baisse de plus de 30 % de l’incidence et de la mortalité liée au cancer du col utérin : cette association de prévention primo-secondaire remporte la palme de l’efficacité au bénéfice des femmes… mais aussi des économistes de la santé (figure 3).   Figure 3. Modélisation des stratégies de prévention du cancer du col de l’utérus en France(3).   De plus, les publications les plus récentes font état d’une protection vaccinale vis-à-vis des autres sites intéressés par les HPV génitaux(4): anus, ORL tant chez l’homme que la femme (figure 4). Figure 4. Part respective des cancers HPV induits selon la localisation(4).   Ce point est particulièrement important, d’autant plus que récemment a été mis en évidence par le réseau de veille épidémiologique américain (SEER(5)) une augmentation, chez la femme entre 1975 et 2009, des cancers HPV-induits ne bénéficiant pas de dépistage (cancers anaux, vulvaires et ORL), tandis que les cancers du col qui relèvent du dépistage voient leur incidence diminuer durant la même période : on voit donc ici l’intérêt d’une prévention primaire vaccinale. Le dernier point sensible dans notre système de santé, souligné là encore par le réseau SEER(5), concerne les intrications majeures entre statut socio-économique, prévention primaire vaccinale et secondaire par dépistage cytologique et risques de cancer : – les femmes les moins suivies sur le plan cytologique sont celles qui sont les plus exposées, cumulant les facteurs de risque ; – le faible niveau socio-économique est directement corrélé à une exposition plus importante à l’HPV, à une moindre pratique du dépistage et à une diminution de la couverture vaccinale. De plus, une faible couverture vaccinale a comme résultante une diminution de l’immunité de troupeau (protection indirecte des non-vaccinées par les vaccinées par le biais d’une diminution globale du portage viral). Il est crucial d’expliquer les objectifs de la vaccination aux jeunes filles et de convaincre leurs mères de l’absence d’effets secondaires graves du vaccin, en profitant de la nouvelle recommandation du HCSP de vacciner plus tôt (11-14 ans) et de restreindre le rattrapage (jusqu’à 19 ans inclus). Une vaccination efficace doit protéger toutes les femmes, en particulier celles qui sont victimes de difficultés socio-économiques, trop souvent mises à l’écart de notre système de prévention. Conclusion Les bénéfices de la vaccination HPV sont bien établis et ont convaincu les médecins : des efforts restent à faire en France pour améliorer couverture et observance vaccinales, dont les enjeux sont médico-économiques. C’est le rôle de tous, médecins praticiens (convaincre les jeunes patientes et leurs mères), mais aussi pouvoirs publics en promouvant une information du public et une politique vaccinale de santé publique.   Déclaration d’intérêts : J. Levêque a collaboré avec les sociétés Sanofi Pasteur et GlaxoSmithKline.

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