Publié le 25 oct 2017Lecture 7 min
Surveillance des situations à risque en salle de travail
Frédéric LANSE et coll.*, CHU de Bordeaux
La salle de naissance est un lieu où cohabitent personnel médical, paramédical, parents et nouveau-nés. Tout en s’astreignant à médicaliser le moins possible un accouchement, certaines situations demeurent malgré tout plus à risque et nécessitent une prise en charge et une attention particulière de la sage-femme, de l’obstétricien, de l’anesthésiste et du pédiatre.
Retard de croissance intra-utérin(1)
Un fœtus présentant un retard de croissance intra-utérin doit être considéré comme un fœtus fragilisé, plus à risque d’asphyxie périnatale et d’acidose métabolique.
Aucun argument scientifique n’existe pour contre-indiquer le déclenchement d’un retard de croissance intra-utérin et ce, quel que soient le terme et les conditions cervicales (évaluées par le score de Bishop).
En cas de col défavorable (score de Bishop < 6) et en dehors de situations à très haut risque (terme précoce < 34 SA et/ou reverse flow au Doppler ombilical), un déclenchement pourra être envisagé à l’aide de prostaglandines intracervicales ou intravaginales, ou par ballonnet transcervical, avec une surveillance prolongée (> 2 h) du monitoring en salle de naissance.
Un test à l’ocytocine avant déclenchement n’est pas recommandé.
Une surveillance attentive du travail et des paramètres obstétricaux est préconisée. Le monitoring sera continu au cours de la phase active du travail.
La réalisation de pH au scalp est autorisée à partir de 34 SA, mais ne doit en aucun cas retarder la naissance de l’enfant s’il y a des anomalies sévères du rythme cardiaque fœtal. Enfin, l’extraction instrumentale et l’épisiotomie à titre systématique ne sont pas recommandées.
Grossesse gémellaire(2)
Devant la fréquence élevée de discordance de poids ou de retard de croissance intra-utérin sur un fœtus, il est préférable de toujours considérer qu’un des deux jumeaux est potentiellement en retard de croissance intra-utérin.
Les monitorings doivent être, de ce fait, bien distincts, avec un décalage +20 pour un des deux fœtus, et vérifiés très régulièrement (au moins toutes les 30 minutes) pour éviter la superposition des deux rythmes cardiaques fœtaux.
Pour J1 en présentation céphalique, il est recommandé de réaliser, à partir de 32 SA, une tentative de voie basse car une césarienne programmée ne diminue pas la morbidité néonatale ni de J1, ni de J2(3). De même, avant 32 SA, il n’y a pas d’arguments pour recommander de réaliser une césarienne programméeplutôt qu’une tentative de voie basse, puisque cette dernière n’est pas associée à une augmentation de la morbidité hospitalière ni pour J1, ni pour J2(4). Pour J1 en présentation du siège, là encore, une tentative de voie basse est possible puisqu’elle n’est pas associée à une augmentation de la morbidité néonatale(5). Concernant la tentative de voie basse, il ne faut pas perdre de vue que la naissance de J2 est évidemment retardée par rapport à la naissance de J1 et que la présence d’anomalies du rythme cardiaque fœtal sur J2 peut donc justifier d’accélérer la naissance de J1, en particulier par la réalisation d’une extraction instrumentale.
Après la naissance de J1, une attitude interventionniste est recommandée (comme recommandé par le CNGOF(2), figure), ce qui permet de réduire au maximum le délai entre J1 et J2. Le capteur du monitoring sera rapidement replacé, avec possible contrôle échographique de la présentation.
Il est primordial d’avoir apporté en amont à la patiente une information claire sur le déroulement possible de l’accouchement pour éviter toute panique maternelle ou du couple en cas de nécessité de manœuvre obstétricale qui peut être parfois vécue comme impressionnante par le couple.
Conduites pratiques pour l’accouchement de J2 d’après le CNGOF(2).
Utérus cicatriciel(6)
La surveillance du rythme cardiaque fœtal est recommandée dès l’entrée en travail. La réalisation d’une radiopelvimétrie n’est pas nécessaire pour décider de la voie d’accouchement ni pour la conduite du travail. De même, l’utilisation d’une tocométrie interne n’a pas sa place en systématique dans la surveillance du tonus et de l’activité utérine.
Elle ne permet pas de prédire la rupture utérine. Les ocytociques sont possibles à des doses prudentes, mais non systématiques.
En cas de stagnation du travail, l’amniotomie est à privilégier en première intention. Si la stagnation persiste, il faudra réaliser une césarienne, en veillant à ne pas dépasser une durée totale de 3 h.
Une vigilance accrue doit être observée devant la présence d’un utérus cicatriciel. Ainsi, une douleur de cicatrice persistante sous anesthésie péridurale, des anomalies répétées du rythme cardiaque fœtal, une hématurie, un utérus en barillet, sont des signes pouvant faire suspecter une rupture utérine, complication non exceptionnelle (0,5 à 0,8 % des cas), mais souvent dramatique.
Après l’accouchement par voie basse, il n’est pas recommandé de réaliser une révisionutérine systématique pour évaluer la cicatrice antérieure.
Enfin, la suspicion de macrosomie dans ce contexte d’utérus cicatriciel n’est pas une indication à la réalisation d’une césarienne prophylactique, mais il paraît raisonnable de l’envisager si le poids fœtal estimé est supérieur à 4 500 g sans antécédent d’accouchement par voie basse du fait d’une augmentation significative du risque de rupture utérine et d’échec de tentative de voie basse dans cette dernière situation.
Grossesse prolongée(7)
Elle concerne 10 à 20 % des femmes enceintes. Aucune surveillance particulière du travail n’est requise, mais il faut toutefois observer une vigilance accrue, car ces fœtus au-delà de 41 SA sont potentiellement plus fragiles, en particulier en cas de fœtus petits pour l’âge gestationnel (PAG) avec une fréquence accrue observée de liquide amniotique méconial. La prolongation au-delà de 42 SA est possible, mais la patiente doit être informée des risques fœtaux potentiels (augmentation significative du syndrome d’inhalation méconiale, faible augmentation du risque de mortalité périnatale) mis en balance avec les inconvénients possibles d’un déclenchement (en cas d’utérus cicatriciel avec col défavorable par exemple).
Diabète gestationnel et suspicion de macrosomie(8)
En cas d’accord voie basse, il n’y a pas de surveillance spécifique du travail. Toutefois, il faut garder à l’esprit que ces fœtus sont considérés comme fragiles.
Si le diabète gestationnel (insuliné ou non) est bien équilibré, la prise en charge est similaire à celle d’une grossesse normale. Cependant, devant le risque accru de dystocie des épaules et de paralysie du plexus brachial, il paraît raisonnable de proposer une césarienne si le poids fœtal estimé est supérieur à 4 500 g. La radiopelvimétrie n’a en tout cas pas sa place en cas de suspicion de macrosomie pour déterminer la voie d’accouchement.
Certaines situations doivent nous alerter et nous faire suspecter une macrosomie. Ainsi, une prise de poids excessive, supérieure à 20 kg, un IMC ≥ 25, un travail long 1 cm/h, un engagement lent à dilatation complète (3 h), la présence d’une bosse sérosanguine, sont autant de signes à ne pas négliger, évocateurs de macrosomie. Une césarienne devrait être réalisée pendant le travail en cas de suspicion de macrosomie et de non-progression, lorsque la présentation n’est pas engagée ou engagée seulement partie haute.
Siège(9)
En cas de tentative de voie basse (en cas de radiopelvimétrie normale et accord de la patiente) et vérification de critères échographiques à l’entrée en salle de naissance (estimation de poids fœtal < 3 800 g ou BIP < 98 mm et absence de déflection de tête fœtale), la surveillance du travail est similaire. Il n’existe cependant pas de possibilité de réaliser une analyse de seconde ligne du bien-être fœtal, comme pourrait l’être la mesure du pH au scalp. Des anomalies du rythme cardiaque fœtal sont plus fréquemment retrouvées au moment de l’engagement du fœtus à dilatation complète. Ces dernières peuvent motiver l’adoption d’une attitude active rapide selon leur sévérité.
Prématurité
Ces fœtus sont, là aussi, considérés comme plus fragiles avec un risque majoré d’acidose, comparés à des enfants nés à terme. Il n’y a cependant pas d’intérêt démontré à la réalisation d’une césarienne ou d’une extraction instrumentale à titre systématique pour diminuer la morbidité néonatale, en particulier le risque d’acidose ou d’hémorragie intraventriculaire. En revanche, la majorité des auteurs considère qu’il existe une contre-indication relative à la ventouse et à la mesure du pH au scalp avant 32-34 SA.
La surveillance du rythme cardiaque fœtal sera similaire à celle d’un fœtus à terme. Néanmoins, la tolérance d’éventuelles anomalies du RCF sera moindre, avec une décision de césarienne plus précoce.
Hémorragies anténatales en cours de travail
Quelle que soit l’étiologie, ces situations sont à risque pour le fœtus et la mère. L’hémorragie de Benckiser et l’hématome rétroplacentaire sont les deux urgences extrêmes imposant une césarienne pour sauvetage materno-fœtal.
En cours de travail, il est important de quantifier les pertes sanguines, par l’utilisation d’un sac de recueil, ou par pesée des protections.
Un scope maternel sera mis en place pour surveillance tensionnelle, et au moindre doute, on réalisera une biologie à la recherche d’une anémie maternelle et d’une éventuelle coagulopathie.
En cas de pertes sanguines abondantes, surtout s’il existe des anomalies du RCF, une césarienne sera réalisée sans tarder, quelle que soit l’étiologie de ces pertes sanguines.
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