Médicament
Publié le 31 mai 2018Lecture 4 min
Prévention des infections sur cathéter : changement de ton…
Les bactériémies sur cathéter sont fréquentes et associées à un taux élevé de mortalité. Le point d’insertion cutané et les raccords du cathéter sont les principales sources de pathogènes, le premier étant le plus souvent impliqué pour les cathéters utilisés sur de courtes durées. Une antisepsie cutanée optimale est donc essentielle pour réduire le risque d’infection dans ce dernier cas. Les guidelines aux USA et au Royaume Uni sont d’utiliser la chlorhexidine alcoolique (alcool isopropylique à 70 % et chlorhexidine à 0,5 %) parce qu’elle combine la haute efficacité antimicrobienne de l’alcool et l’action persistante de la chlorhexidine sur la peau. Dans d’autres pays, et en particulier en France, les recommandations sont d’employer soit la chlorhexidine alcoolique soit la povidone iodée, sans accorder de préférence ni à l’une ni à l’autre. Le nettoyage préalable de la peau par une solution antiseptique moussante est également proposé par certains.
Afin de déterminer la meilleure stratégie, Olivier Mimoz et coll. du CLEAN (Prevention of intravascular catheter related infection) ont entrepris un essai ouvert randomisé et contrôlé qui a enrôlé tous les patients de plus de 18 ans admis dans l’une parmi 11 des unités de soins intensifs participantes et ayant besoin au moins d’un cathéter veineux central, d’une hémodialyse ou d’un cathéter artériel, entre le 26 octobre 2012 et le 12 février 2014. Au total, 2 349 malades sur 2 546 éligibles ont été randomisés en quatre groupes en fonction du mode de préparation de la peau choisi avant l’insertion de la voie vasculaire : chlohexidine alcoolique (alcool isopropylique à 70 % et chlorhexidine à 0,5 %) avec (n = 594) ou sans (n = 587) nettoyage préalable par une solution moussante antiseptique, povidone iodée alcoolique (povidone iodée à 5 % éthanol à 69 %) avec (n = 580) ou sans (n = 588) nettoyage préalable par une solution moussante antiseptique. Les praticiens et infirmiers étaient informés du protocole utilisé (la différence de ton des produits, l’un incolore et inodore, l’autre brun orangé et d’une odeur caractéristique, n’autorisant pas l'aveugle…), mais pas les microbiologistes non plus que les médecins assurant le suivi. Les données ont été analysées en intention de traiter.
Six fois moins d’infections avec la chlorhexidine
L’incidence des infections sur cathéter s’est révélée significativement moindre pour les patients ayant bénéficié de la chlorhexidine alcoolique par rapport à ceux du groupe povidone iodée (0,28 vs 1,77 par 1 000 cathéter-jours soit 6 infections contre 39 ; Hazard Ratio ; 0,15 ; intervalle de confiance à 95 % : 0,005 à 0,41 ; p = 0,0002). Il en est de même pour l’incidence des colonisations sur cathéter (HR : 0,18 ; IC95 0,13 à 0,24) avec une action similaire sur les Gram + et Gram -. Cependant en ce qui concerne les cathéters centraux, la supériorité de la chlorhexidine n’était significative que sur le taux de colonisations, ce qui est sans doute lié à un manque de puissance de l’étude. Le nettoyage préalable n’a pas eu d’influence notable sur les résultats. Des effets secondaires cutanés importants ont été cependant plus souvent observés dans le groupe chlorhexidine (27 vs 7 patients dans le groupe povidone). Aucun effet systémique n’a été constaté.
Une meilleure activité anti-microbienne à long terme
Est-ce suffisant pour recommander la seule utilisation de la chlorhexidine pour l’antiseptie cutanée avant la pose d’une voie vasculaire ? Dans l’éditorial qui commente cette étude dans le Lancet, malgré quelques réserves (seulement deux composés alcooliques testés, pas de résultats pour les picc-line [peripheric inserted central catheter], effets secondaires plus nombreux de la chlorhexidine) il est souligné que cette étude, comme d’autres avant elles, apporte des arguments forts pour une utilisation sinon exclusive du moins préférentielle la chlorhexidine, dans la prévention des infections sur cathéter, le coût plus élevé de cette molécule étant largement compensé par celui engendré par la prise en charge de complications infectieuses. La supériorité de la chlorhexidine est vraisemblablement liée à son activité antimicrobienne à long terme alors que la povidone iodée est inactivée par le sang et les protéines présentes sur la peau. Des études de plus grande puissance sont sans doute nécessaires pour confirmer les résultats obtenus ici. D’ores et déjà, la chlorhexidine est de plus en plus largement employée aux USA pour l’asepsie requise pour divers soins infirmiers à risque infectieux (par exemple mise en place d’une sonde urinaire). Et on ne manquera pas de s’interroger sur la place qu’on pourrait lui attribuer dans le domaine de l’asepsie préopératoire…en commençant éventuellement par en finir avec le rite des douches à la povidone iodée qui achèvent (parfois) le moral des futurs opérés !
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