Publié le 23 mai 2019Lecture 4 min
Bilan échographique à réaliser devant la découverte d’une cardiopathie fœtale
Jean-Philippe BAULT, CHU Bicêtre, CPDP CHI Poissy Saint-Germain, Cabinet d’échographies gynéco-obstétricales Les Mureaux
L’organisation du dépistage des cardiopathies fœtales peut être décomposée en trois temps :
- dépistage ;
- diagnostic et bilan (génétique, échographique) ;
- évaluation du pronostic, de la prise en charge et détermination du lieu d’accouchement, ce dernier temps étant bien évidemment l’apanage du cardiopédiatre.
Hormis peut-être la TGV simple, l’ensemble des cardiopathies nécessitera un bilan génétique qui comprendra caryotype et ACPA. Un bilan échographique complet sera indispensable et réalisé dès l’étape diagnostique.
Parfois, le type même d’anomalie cardiaque oriente : canal atrioventriculaire complet et trisomie 21, coarctation de l’aorte et monosomie 45, XO, etc.
Certaines anomalies morphologiques seront d’emblée très évocatrices de dyscaryotypies, par exemple :
anomalies de la ligne médiane de type holoprosencéphalie, anomalies de la face… orienteront vers une trisomie 13 ;
crâne en « fraise », omphalocèle, mains crispées, pieds bots… vers une trisomie 18.
Nous insisterons particulièrement sur certaines situations où le bilan échographique doit être orienté.
La mise en évidence d’une cardiopathie conotroncale incitera à la recherche d’anomalies échographiques pouvant faire suspecter une microdélétion de type 22q11.2 (syndrome de Di George).
Ces anomalies sont les suivantes :
Absence ou hypoplasie thymique.
pouvant être mise en évidence sur une coupe haute du médiastin (à hauteur de la coupe des 3 vaisseaux et de la trachée (figure 1),
et/ou en s’aidant du repérage des artères mammaires internes (premières branches de division des artères sous-clavières), dont les parties initiales à trajet horizontal délimitent la « Thy-box » (figure 2)(1),
ou en mesurant le rapport thymo-thoracique(2) (rapport de la distance entre la face postérieure du sternum - face antérieure de l’aorte)/(distance face postérieure du sternum – face antérieure du rachis) (figure 3), dont la valeur : 0,44 est quasi constante tout au long de la grossesse. Ce signe apparaît d’une haute sensibilité (90 %) et d’une valeur prédictive élevée (84 %) ;Fente palatine siégeant au niveau de la partie postérieure du palais secondaire (figure 4) ;
Dysmorphie faciale associant un nez tubulaire, une petite bouche au sein d’un visage long et étroit, des oreilles petites et asymétriques. Cette dysmorphie, dont les signes sont subtils, sera recherchée en faisant appel au mode volumique et aux différents modes de rendu (figure 5).
Figure 1. Tétralogie de Fallot : absence de thymus (aorte au contact du sternum).
Figure 2. THY BOX.
Figure 3. Rapport thymo-thoracique.
Figure 4. Fente palatine.
Figure 5. Dysmorphie faciale.
L’association de l’ensemble de ces signes correspond à l’acronyme « CATCH 22 » (cardiac anomalies, abnormal facies, thymus hypoplasia, cleft palate, hypocalcemia et microdeletion 22). L’ACPA permettra de mettre en évidence la délétion. La fréquence de celle-ci peut être estimée de 1/2 000 à 1/4 000 enfants vivants et apparaît de novo dans 90 % des cas.
• La recherche d’une association CHARGE doit être quasi constante devant toute cardiopathie(3), même si certains types de cardiopathie sont plus fréquemment retrouvés : cardiopathies conotroncales, communications interventriculaires ou interauriculaires, arc aortique droit, veine cave supérieure gauche, sténose aortique…
Le bilan échographique détaillé est indispensable car, certes, la mutation CDH7 est retrouvée dans 90 % des cas, mais sa recherche étant très longue, le résultat ne pourra être obtenu parfois qu’après le temps de la grossesse.
La fréquence est estimée de 1/12 000 à 1/15 000.
Les signes à rechercher sont d’abord ceux correspondant à l’acronyme :
C pour Coloboma
H pour Heart Defect
A pour Atresia choanae
R pour Retarded growth and development
G pour Genital anomaly
E pour Ear abnormality
• Les colobomes présents dans l’association « CHARGE » sont essentiellement de type rétinien(4) et peuvent donc être mis en évidence par l’échographie conventionnelle sous forme d’un petite encoche du fond du globe oculaire (figure 6a) ou par la technique du « fond d’œil virtuel » (figure 6b)(5) ;
• L’atrésie choanale sera recherchée en faisant appel au Doppler avec une PRF basse (figure 7) ;
• Le retard de croissance est souvent minime pendant la vie fœtale ;
• Les anomalies génitales seront plus faciles à rechercher chez le fœtus masculin, en particulier les micropénis ;
• Les oreilles ont une forme anormale avec une conque triangulaire et un bord supérieur rectiligne ; surtout, les oreilles sont asymétriques : il faudra donc visualiser les deux oreilles (figure 8).
Figure 6. Colobome rétinien.
Figure 7. Atrésie choanale (fléches jaunes : absence de flux narinaires).
Figure 8. Oreilles CHARGE.
D’autres signes non inclus dans l’acronyme apparaissent comme majeurs :
l’absence ou l’hypoplasie des canaux semi-circulaires sera détectable par l’échographie jusqu’à un terme de 28 SA, l’ombre acoustique des rochers ne permettant plus leur visualisation au-delà (figure 9)(6) ;
des anomalies du vermis cérébelleux de type hypoplasie (figure 10)(6) ;
une absence des sillons olfactifs, normalement toujours présents à partir de 28 SA (figure 11)(6,7).
La suspicion de syndrome CHARGE amènera à réaliser une IRM.
Figure 9. CSC : (a) échographie conventionnelle ; (b) échographie volumique.
Figure 10. Hypoplasie cérébelleuse.
Figure 11. Syndrome CHARGE : (a) sillons olfactifs à31 SA ; (b) absence de sillons olfactifs à 30 SA.
• La recherche d‘anomalies des membres supérieurs et en particulier du rayon radial aura pour but de d’évoquer un syndrome de Holt Oram (figure 12). La mutation TBX5 sur le chromosome 12 est présente dans 85 % des cas. La fréquence est de 1/100 000.
Figure 12. Anomalies des membres supérieurs : syndrome de Holt-Oram.
• Nous rappellerons l’importance de rechercher des tubers sous-corticaux (figure 13) devant la découverte de rhabdomyomes cardiaques dans le cadre d’une sclérose tubéreuse de Bourneville.
Figure 13. STB : (a) rhabdomyome ; (b) tubers corticaux.
Ainsi l’échographiste, au-delà du dépistage et du diagnostic de l’anomalie cardiaque, devra réaliser une échographie extrêmement détaillée, bien sûr orientée mais aussi globale, à la recherche de signes parfois subtils pouvant orienter vers certaines anomalies syndromiques.
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