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Douleur

Publié le 12 juin 2020Lecture 6 min

Une si grande douleur, tous les 28 jours…

Pierre MARGENT, Paris

La dysménorrhée primaire est définie par la survenue de douleurs menstruelles en dehors de toute pathologie pelvienne. Il s’agit d’algies abdominales basses récurrentes, à type de crampes. Elle affecte 50 à 90 % des femmes et constitue le premier motif de consultation gynécologique. Elle doit être distinguée des dysménorrhées secondaires, de même symptomatologie péri menstruelle mais relevant d’une cause précise : endométriose, fibrome, adénomyome ou anomalie anatomique congénitale. En dépit de sa prévalence notable, la dysménorrhée primaire est souvent sous diagnostiquée et insuffisamment traitée, les femmes la considérant comme normale et l’acceptant comme une manifestation inéluctable des menstruations.

La dysménorrhée primaire débute généralement dans l’adolescence, après l’établissement des premiers cycles ovulatoires. Les douleurs sont liées à une libération excessive de prostaglandines lors de la perte de la muqueuse endométriale. De fait, un taux plus élevé a été décelé dans le tissu endométrial et le flux menstruel chez les patientes dysménorrhéiques, en comparaison avec des femmes asymptomatiques. Ce taux notable de prostaglandines provoque une hypercontractilité du myomètre, d’où une hypoxie, voire une ischémie relative à l’origine de douleurs et parfois de signes systémiques associés, tels des nausées ou une diarrhée. Les conséquences d’une dysménorrhée primaire peuvent être nombreuses ; elles sont avant tout représentées par un absentéisme scolaire ou professionnel qui concerne en moyenne une jeune fille sur huit entre 14 et 20 ans. Elle peut aussi être la cause de troubles relationnels, d’une baisse de productivité et d’une moindre qualité de vie. Bien préciser le caractère primaire des douleurs Son diagnostic et son évaluation ne nécessitent pas l’intervention de médecins spécialistes en gynécologie. Dans la grande majorité des cas, le diagnostic est aisément posé après une anamnèse rigoureuse médicale, gynécologique et psychologique. Celle-ci doit préciser l’âge des premières règles, la durée des saignements et leur importance, l’intervalle entre les menstruations, les possibles signes associés (algies, nausées, diarrhée, fatigue générale, retentissement sur les activités du quotidien…). Le début de la dysménorrhée primaire se situe typiquement 6 à 24 mois après les premières règles. Des douleurs menstruelles survenant avant cette date doivent alerter car pouvant alors évoquer une malformation obstructive du tractus génital qui doit conduire à un bilan rapide. La douleur de la dysménorrhée primaire est avant tout médiane, décrite comme des crampes de la partie basse de l’abdomen et de la région sus pubienne. Des irradiations péri-abdominales, au niveau des lombes ou des cuisses sont possibles. Une localisation plus unilatérale doit, là encore, faire soupçonner une anomalie anatomique. Les symptômes de dysménorrhée primaire débutent dans les heures précédant ou suivant les menstruations. Ils sont d’emblée d’intensité maximale et disparaissent au 2e/3e jour du cycle. Ils ne se modifient pas avec le temps. De fait, toute aggravation progressive ou persistance après les règles est très inhabituelle et doit faire évoquer la possibilité d’une endométriose ou de toute autre étiologie secondaire. Il en va de même pour des douleurs survenant dans la partie moyenne du cycle ou totalement acycliques. En cas de dysménorrhée primaire, l’examen pelvien est normal. Il est même non indispensable chez les adolescentes non actives sexuellement, dont l’histoire clinique est évocatrice et en l’absence d’autres symptômes, tels qu’infection ou saignement anormal. Toutefois, la constatation d’anomalies cliniques telles que douleurs en dehors des règles, élargissement de l’utérus, déviation latérale du col, septum recto-vaginal nodulaire, sensibilité utérine persistante doit faire soupçonner une cause secondaire de dysménorrhée. Il importe aussi d’évoquer une infection sexuellement transmissible en présence de douleurs chez les femmes sexuellement actives. Dans le doute, l’échographie transvaginale, vessie pleine, est l’examen de choix pour l’évaluation initiale chez les adolescentes non sexuellement actives et les femmes jeunes. Elle peut déceler une pathologie annexielle ou intra-utérine (léiomyome, adénomyome, anomalies mullériennes) mais n’est pas contributive pour diagnostiquer une endométriose, étiologie la plus fréquente de dysménorrhée secondaire. Traitement empirique sans examens complémentaires En cas de dysménorrhée primaire, le retard au diagnostic et à la prise en charge thérapeutique est fréquent mais doit être évité si possible. Un traitement empirique doit être débuté chez l’adolescente ou la femme jeune non sexuellement active, rapportant une histoire typique, sans nécessité d’examens complémentaires. Cependant, la persistance des symptômes sous traitement doit faire évoquer, ultérieurement, une dysménorrhée secondaire. La même attitude est à adopter chez les patientes adultes, dont l’examen clinique est rassurant et qui ne présentent pas, à l’évidence, de pathologie infectieuse. En première ligne, les deux options thérapeutiques majeures sont le recours aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou à la contraception hormonale. De fait, les contraceptifs hormonaux ont fait la preuve de leur utilité, qu’il s’agisse des pilules faiblement dosées à 20 µg d’ethinyl estradiol, des anneaux vaginaux, des patchs transdermiques ou des contraceptifs hormonaux à longue durée d’action, voire de progestatifs oraux, type acétate de norethindrone à la posologie de 5 mg/j, (toutefois non approuvés pour la contraception aux USA). Les agents hormonaux agissent en limitant la croissance du revêtement endométrial et donc en diminuant la production intra utérine de prostaglandines. Les AINS sont aussi très efficaces, via le biais d’une inhibition de la cyclooxygénase. Le naproxène ou l’ibuprofène, à la posologie de 400 à 600 mg toutes les 6 heures, sans dépasser une dose maximale journalière de 2 400 mg/j sont très fréquemment employés jusqu’ au 2e ou 3e jour du cycle. Il importe, notamment chez les adolescentes, de bien préciser les posologies utiles pour éviter tout risque de sous- ou de surdosage. En présence de douleurs majeures, il est possible de débuter la prise d’AINS 1 à 2 jours avant le début de la symptomatologie. À l’issue de 3 à 6 mois de traitement, la réponse à la thérapeutique empirique doit être évaluée. Une réponse médiocre ou sous optimale, malgré une adhérence correcte, doit faire envisager un recours au spécialiste car jusqu’à 70 % des adolescentes en échec thérapeutique sont possiblement porteuses d’une endométriose. D’autres modalités de traitement existent, souvent utilisées par les patientes elles même : exercices physiques, stimulation électrique à haute fréquence transcutanée, bouillotes chauffantes, interventions diététiques ou à base de plantes… Ces traitements alternatifs peuvent se révéler utiles, en appoint chez des femmes ne désirant pas recourir à un traitement pharmacologique. En résumé, la dysménorrhée primaire est une pathologie fréquente, sous diagnostiquée et curable. Son diagnostic, à tout âge, est souvent porté avec retard, alors même qu’elle peut affecter grandement la qualité de vie et avoir des conséquences notables. Elle ne nécessite pas, en première analyse, de consultation spécialisée ou d’imagerie particulière, mais la mise en route d’un traitement empirique par AINS ou contraception hormonale. Un contrôle partiel ou, a fortiori, une aggravation de la symptomatologie après 3 à 6 mois de traitement doit amener par contre à une évaluation plus complète afin d’éliminer une cause secondaire de dysménorrhée, et avant tout une endométriose. Les femmes souffrant de douleurs menstruelles ne doivent pas être ignorées et leur symptomatologie considérée comme inéluctable.

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