Publié le 31 aoû 2020Lecture 7 min
Rôle de la sage-femme dans le parcours de l'Aide médicale à la procréation
Célie Cervantès, Hôpital de Port Royal, Paris
La sage-femme est la profession médicale qui se trouve au cœur de la santé de la femme depuis sa puberté et jusqu’à sa ménopause. Ses compétences se sont développées ces dernières années dans différents domaines. En effet, suite au décret n° 2012-885 du 17 juillet 2012, les sages-femmes ont pu asseoir leurs rôles clinique, organisationnel, de coordination et de recherche dans les centres d’aide médicale à la procréation.
Législation
Le 7 juillet 2011, les lois de bioéthique sont modifiées et plus particulièrement le titre VI concernant l’Assistance médicale à la procréation (AMP)(1). Elles impliquent la modification du code de la santé publique : article L4151-1(2). Cette modification inscrit clairement la profession de sage-femme comme une profession à compétences définies dans l’Assistance médicale à la procréation : « Les sages-femmes sont autorisées à concourir aux activités d'Assistance médicale à la procréation, dans des conditions fixées par décret ». La sage-femme devient alors officiellement un clinicien privilégié des femmes dans le but de les aider à concevoir.
Les compétences de la sage-femme en AMP sont définies par décret : le décret n°2012-881 du 17 juillet 2012(3) portant modification du code de déontologie des sages-femmes ; et le décret n° 2012-885 du 17 juillet 2012(4) relatif aux conditions dans lesquelles les sages-femmes concourent aux activités d’Assistance médicale à la procréation. Il définit le rôle et les compétences légales d’une sage-femme dans un centre d’AMP. Cependant la place et les compétences de la sage-femme dans les centres restent relatives en fonction de l’organisation des services. Cet article a pour but de présenter à chacun l’évolution des différentes compétences de la sage-femme dans un centre d’AMP.
Compétence clinique
D’un point de vue législation, 1994 est une date clef pour l’avancée de l’AMP. En effet, les premières lois de bioéthique sont votées en France, elles seront révisées en 2004 puis en 2011 et en 2020 (en cours de validation : passage au Sénat après une première validation à l’assemblé nationale le 04/02/2020). Les centres d’AMP, qui dépendent de ces lois, sont des centres pluridisciplinaires qui regroupent différentes professions médicales et paramédicales. C’est un travail en collaboration qui permet le bon fonctionnement du centre et la sage-femme y a toute sa place. Cette place débute en adéquation avec les articles D4151-21(5) et D4151-22(6) par : « l’entretien particulier des demandeurs, la programmation et la mise en œuvre du protocole de prise en charge établi par le médecin pour chaque patiente ».
Dans cette consultation spécifique, d’une durée de 45 minutes, la sage-femme reçoit le couple et organise la planification de la tentative de fécondation in vitro ou ICSI.
Elle commence par la vérification du bilan complet de la femme et de l’homme.
Le bilan complet de la femme comprend, un bilan hormonal à J3 du cycle (E2, FSH , LH , AMH et TSH ) et une échographie pelvienne (compte de follicule antraux) : l’association des deux est évocateur de la réserve ovarienne. Associé à ce bilan de réserve ovarienne, la femme doit également réaliser un bilan sérologique et d’un bilan anatomique (évocateur d’une infertilité mécanique) avec la prescription d’une hystérosalpingographie, d’une hystéroscopie et d’un FCU (frottis cervico-utérin). Quant à l’homme, son bilan complet comprend des sérologies, un spermogramme, un spermocytogramme, une spermoculture et un test de migration survie. Au cours de la consultation, une échographie pelvienne pourra être réalisée afin de vérifier qu’il n’existe aucune contre-indication au démarrage de la stimulation. Réalisée par la sage-femme, cette échographie a pour but de réaliser le compte des follicules antraux en confirmant son adéquation avec la quantité de gonadotrophine recombinante prescrite par le gynécologue et de vérifier l’absence d’anomalie avant stimulation (polypes, synéchie, kyste). Une fois l’échographie réalisée, la sage-femme va programmer avec le couple la ponction d’ovocytes en proposant un planning et en donnant les informations nécessaires sur les traitements et ses effets secondaires. La dernière étape de cette consultation est de valider l’administratif de la prise en charge : consentements à la FIV, autorisation d’opérer, justificatif de vie commune et pièce d’identité à jour…
Le second rôle clinique de la sage-femme est de participer au monitorage du centre en réalisant les échographies pelviennes en cours de stimulation. Lors de cette échographie, la sage-femme doit détailler le nombre et la taille des follicules observés, s’assurer de la bonne qualité de l’endomètre et de décrire si nécessaire la présence de kystes, d’hydrosalpinx ou d’épanchement.
a.
b.
Figures 1a et b. Les différentes techniques de mesure folliculaire en cours de stimulation : 2D vs 3D.
Les sages-femmes réalisent les échographies pelviennes dans les centres d’AMP : CFA, mesure folliculaire en cours de stimulation, échographie de datation…
Figure 2. Mesure de l’épaisseur de l’endomètre pour les transferts d’embryon.
La sage-femme d’AMP accompagne le couple en cours de stimulation et donne des consignes après l’échographie sur la suite de la prise en charge.
L’interprétation de cet examen permettra à la sage-femme de donner à la patiente la suite des consignes qui sont selon les cas : poursuite des traitements, déclenchement de l’ovulation pour programmer la ponction ovocytaire ou annulation de la stimulation ovarienne pour absence de réponse. Ces consignes sont ensuite validées par le gynécologue au cours d’une réunion en mettant en adéquation l’échographie pelvienne et les dosages hormonaux. Si les consignes changent, la sage-femme dans la continuité de soin va prévenir les patientes du changement de traitement ou de planning.
La sage-femme est habilitée à participer à l’éducation thérapeutique de la patiente ou de son conjoint en lui prodiguant des conseils diététiques ou en sexologie, en lui donnant des informations sur le rôle du tabac et autres substances addictives sur l’infertilité et en l’accompagnant à l’aide de séance de relaxation ou sophrologie ou en lui proposant des cours d’auto-injection La sage-femme est sollicitée par les couples et est présente pour donner toutes les explications nécessaires sur les traitements, les effets indésirables et de répondre aux interrogations des patients. Il est alors important de maintenir un contact avec les patientes en restant disponible et à leur écoute. Ce contact peut être simplement téléphonique ou par mail, l’essentiel étant de laisser la possibilité aux patientes de joindre le centre et de répondre à leurs angoisses et interrogations. La sage-femme est également apte sur le seul interrogatoire à repérer les situations d’urgence et à éventuellement orienter la patiente vers le médecin compétent.
La bienveillance de la sage-femme est primordiale dans un parcours en PMA.
Au moment des actes techniques types : ponctions, inséminations et transfert, la sage-femme peut collaborer avec le médecin en réalisant de l’hypnose (après formation) en cours de ponction ou du transfert d’embryon, ou en réalisant l’échographie abdominale lors du transfert ou de l’insémination.
Pour conclure la tentative, la sage-femme reçoit les résultats du test de grossesse sanguin, communique avec les couples et organise la suite de la prise en charge en cas d’échec ou le suivi obstétrical.
La sage-femme va animer en collaboration avec un gynécologue et un biologiste des réunions infos-couple retraçant l’organisation de la prise en charge dans le service.
La sage-femme peut également être référente d’une spécificité du centre de type : don de gamètes, préservation de la fertilité, prise en charge des couples séro-discordants, diagnostic pré-implantatoire. Avoir une personne référente dans le centre va améliorer la prise en charge des patientes et la bonne communication au sein du service.
Compétence organisationnelle, de coordination et de recherche
En dehors du rôle clinique, la sage-femme a un rôle organisationnel, de coordination et de recherche. En effet, celle-ci va gérer le nombre d’inscriptions, interpréter les résultats en vue de l’élaboration des bilans d’activité du centre (remis au ministère de la Santé), participer au contrôle qualité, aux accréditations du service et aux projets de service. D’un point de vue coordination, elle va être l’intermédiaire privilégié entre les couples et les différents partenaires médicaux. Elle va anticiper la conduite à tenir, orienter les couples vers les autres intervenants du centre, articuler avec la prise en charge obstétricale le suivi et rester en contact avec le couple en cas de besoin. Concernant la recherche, les sages-femmes peuvent actuellement accéder au master de recherche et proposer leur rôle dans la rédaction d’abstract ou d’article, ainsi qu’à la participation aux études randomisées du service.
Conclusion
La sage-femme a un rôle primordial au sein d’un centre AMP. Sa présence est nécessaire pour une bonne organisation et gestion du service. Son rôle est central entre le couple et les partenaires médicaux. L’AMP ne cesse d’évoluer et va à nouveau évoluer dans les mois à venir avec la mise à jour des lois de bioéthique, il est donc d’actualité de rappeler que la sage-femme est le professionnel de santé référent pour la santé de la femme et celle-ci trouve entièrement sa place et son rôle à jouer en AMP.
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