Publié le 16 avr 2023Lecture 6 min
L’HPV a-t-il un impact sur la fertilité et la grossesse ?
Frédéric LAMAZOU(a), Charlotte METHORST(b) - a. Gynécologue, Paris 17e ; b. Service de chirurgie urologique, Hôpital des Quatre-Villes, Saint-Cloud
L’impact des papillomavirus (HPV) sur le cancer du col est bien connu puisqu’il est retrouvé dans 97 % des cancers infiltrants, mais les HPV impactent-ils la fertilité humaine ? Cette revue de la littérature a pour objectif de faire le point sur ce sujet, afin d’ouvrir une éventuelle discussion sur les indications de la vaccination contre le papillomavirus.
On estime la prévalence de la présence d’un HPV au niveau du col de l’utérus à 25,4 %(1), mais il existe des variations selon les origines géographiques (24,0 % en Afrique subsaharienne, 21,4 % en Europe de l’Est et 16,1 % en Amérique du Sud en 2010) et selon l’âge, avec un pic avant 25 ans et un second après 45 ans. Notons que de Sanjos. et coll.(2) rapportent en 2007 un test HPV positif chez 10,4 % des femmes ayant un frottis normal. Ce taux semblerait supérieur aujourd’hui.
Par ailleurs, 0,7 % des femmes ayant un HPV au niveau du col de l’utérus auraient également un portage ORL(3), avec des risques de cancer ORL associés. Le principal facteur de risque est la multiplication des partenaires sexuels. Les HPV les plus fréquents sont les HPV 16,18 et 52.
Peu d’études disponibles
Concernant la fertilité, il existe à ce jour très peu d’études chez la femme. Dans leur métaanalyse, S. Yuan et coll.(4) retrouvent une augmentation du risque d’infertilité chez les femmes porteuses d’HPV, en particulier en cas d’HPV . haut risque oncogène, mais ils concluaient qu’il ne s’agissait pas d’une cause indépendante.
B. N.hr et coll.(5) estiment que la persistance active du virus est insuffisante (15 mois en moyenne) pour expliquer une infertilité au long cours.
Une seule étude, menée par Siristatidis et coll. en 2018(6), n’a pas retrouvé d’impact de l’infection HPV sur les résultats de la FIV après transfert embryonnaire : grossesse clinique (RR : 1,06 ; IC 95 % : 0,74-1,54) et naissance vivante (RR : 1,16 ; IC 95 % : 0,88-1,53). Au total, le portage d’un HPV chez la femme ne semblerait pas être un facteur d’infertilité direct ni impacter les résultats de la FIV, mais cette conclusion est fondée sur une littérature très pauvre qui mériterait davantage d’études sur le sujet.
La littérature sur l’impact de la présence d’un HPV pendant la grossesse est également pauvre, avec des résultats parfois discordants. Pandey et coll. en 2019(7) et Niyibizi en 2020(8) rapportent une augmentation du risque de rupture prématurée des membranes (OR : 1,96 ; IC 95 % : 1,11-3,45).
Quant au risque d’accouchement prématuré, il n’a été l’objet que de deux études rapportant une augmentation du risque : celle de Xiong et coll. en 2018 (OR : 2,84 ; IC 95 % : 1,95-4,14)(9) et celle de Niyibizi et coll. en 2020 (OR : 1,50 ; IC 95 % : 1,19-1,88)(8).
Une seule étude a montré une augmentation du risque de mort fœtale in utero : OR : 2,23 ; IC 95 % : 1,14-4,37(8).
En revanche, les HPV n’auraient pas d’impact sur les risques de fausses couches spontanées, mais là encore il n’y a que 3 études sur ce sujet : Giakoumelou et coll. en 2016(13), Xiong et coll. en 2018(9) et Niyibizi et coll. en 2020(8).
Une littérature riche confirme la possibilité de vacciner pendant toute la grossesse, sans risque (NM Scheller et coll. en 2017[10], MT Faber et coll. en 2019[11], HS Lipkind et coll. en 2017[12]).
Par conséquent, l’HPV pourrait avoir un impact faible sur le déroulement de la grossesse. A contrario, la conisation, qui est actuellement le traitement de référence des dysplasies du col, a des conséquences bien connues : augmentation du risque d’accouchement prématuré très significative(14,15,16), risque de rupture prématurée des membranes(14). La conisation – et donc indirectement les lésions provoquées par les HPV – induit ainsi des complications obstétricales sévères ; ces dernières représentent ainsi une menace pour la fertilité des femmes, fertilité définie par la capacité à donner naissance à des enfants nés en bonne santé.
Une couverture vaccinale basse
La vaccination anti-HPV, pourtant recommandée en France depuis 2007, demeure à un taux bien trop bas, avec une couverture vaccinale entre 15 et 32 % selon les tranches d’âge (données de Santé publique France). Son efficacité est pourtant proche de 100 %, et la vaccination est prise en charge pour les jeunes filles de 11 à 14 ans avec un rattrapage possible jusqu’à 19 ans.
Les femmes qui souhaiteraient se faire vacciner au-delà De 19 ans doivent suivre un schéma vaccinal à 3 injections, dont le coût est élevé (plus de 400 euros actuellement) et non pris en charge pas l’Assurance-maladie, alors que l’efficacité est démontrée chez les femmes vaccinées entre 26 à 44 ans(17) (Schim Van Der Loeff et al. 2019).
Une discussion sur l’élargissement de la couverture vaccinale, ainsi qu’une campagne d’information indiquant les complications obstétricales évitables mériteraient d’être menées en France. L’Australie, par exemple, recommande le vaccin jusqu’à 70 ans.
Impact sur la fertilité masculine
Le vaccin contre l’HPV est proposé en France chez le garçon et l’adulte jeune depuis 2019. En Australie ou en Scandinavie, il est proposé depuis 2010 de manière plus large.
Chez l’homme, les HPV oncogènes 16 et 18 sont à l’origine de lésions malignes et de dysplasie des sphères ORL et uro-génitale.
L’impact de l’HPV sur la fertilité de l’homme est soupçonné depuis les deux dernières décennies. La présence d’HPV dans le sperme est retrouvée chez 16 % des hommes consultant pour une infertilité, et semble être un facteur de risque d’infertilité avec un OR de 3,02 (IC 95 % : 2,11-4,32) et de 2,93 (IC 95 % : 2,03-4,24) en fonction des séries(18). Sur 100 couples consultant pour infertilité, 30 % des bilans spermatiques altérés retrouvaient un HPV, contre 10 % chez les patients ayant un bilan spermatique normal.
Une méta-analyse récente de Cao et coll. (2020)(19) reprend 10 études incluant 616 patients infertiles présentant une infection à HPV, et un groupe contrôle de 2029 patients infertiles sans HPV ; elle met en évidence une différence significative en termes de mobilité spermatique.
La difficulté d’analyse de la littérature s’explique par celle du recueil de sperme ne pouvant permettre d’exclure la contamination urétrale. Les études in vitro mettent en évidence une adhérence du virus au niveau de la zone équatoriale de la tête du spermatozoïde. D’autres anomalies sont par ailleurs retrouvées chez les patients présentant une infection à HPV dans le sperme : anticorps anti-spermatozoïdes, dysfonctionnement des glandes accessoires et augmentation de la fragmentation de l’ADN spermatique.
Conséquences lors de la prise en charge en AMP
Dans leur méta-analyse, Siritadis et coll. (2018) montrent que lorsque le partenaire masculin du couple est infect. par l’HPV, il semble y avoir un impact négatif sur les résultats en assistance médicale à la procréation (AMP), avec moins de naissances vivantes et de grossesses (RR : 0,43 [IC 95 % : 0,23-0,82]) ainsi qu’une augmentation du risque de fausse couche (RR : 3,70 ; IC 95 % : 1,94-7,05). Il a été également rapporté une augmentation des blocages embryonnaires en culture longue en cas de portage HPV. Cette situation trop souvent inexpliquée pourrait suggérer à tort une altération ovocytaire.
Une équipe belge s’est intéressée à l’impact de l’HPV sur l’issue des inséminations utérines avec sperme de donneur. Ils décrivent la présence d’HPV dans 3 à 16 % des échantillons de paillettes, et l’absence de grossesse lorsque l’échantillon utilisé est HPV-positif, contre 14,6 % de grossesse avec l’utilisation de paillettes HPV-négatif.
Impact de la vaccination sur la fertilité masculine
On sait que la clairance naturelle du virus est d’environ 2 à 3 ans. Une étude prospective s’est penchée sur la disparition du virus et sur l’issue de la fertilité naturelle des couples chez lesquels l’homme présente une infection HPV dans le sperme, en fonction de son statut vaccinal (vacciné ou non vacciné).
Cette étude met en évidence une diminution significative de l’HPV dans le sperme chez les patients vaccinés, une amélioration significative de la mobilité progressive chez les patients vaccinés, une amélioration du taux de grossesse spontanée (15,3 % groupe témoin vs 38,9 % groupe vaccin, p < 0,01), une augmentation du taux de naissance vivante (5,51 % groupe témoin vs 36,7 % groupe vaccin, p < 0,01), une diminution du taux de fausses couches (9,7 % groupe témoin vs 1,26 % groupe vaccin, p < 0,01).
Au total, l’HPV chez l’homme semble avoir un impact significatif sur les paramètres spermatiques, sur la fertilité spontanée et en AMP. Le dépistage de L’HPV chez l’homme pourrait être effectué en cas d’asthénospermie, de fausses couches à répétition ou de fragmentation élevée.
En conclusion
Les infections à HPV ont un impact surtout indirect sur la fertilité féminine, par l’augmentation des complications obstétricales liées aux conisations, et semblent impacter directement la fertilité masculine. Considérant l’augmentation de l’infertilité masculine, la couverture vaccinale trop faible vis-à-vis de l’HPV chez la femme en France, la prévalence des cancers ORL, pénien et de la marge anale liés à l’HPV chez l’homme, la vaccination contre l’HPV semble être une option moderne de prévention et de traitement de ces différentes complications, mais aussi de l’infertilité.
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