Publié le 10 déc 2021Lecture 6 min
Bénéfices de la caféine au cours de la grossesse, un peu fort de café…
Dr Pierre MARGENT
Selon des chercheurs américains (Université de Pennsylvannie, Philadelphie, Etats-Unis), les boissons à base de caféine, dans la limite des 200 mg/jour, diminuent le risque de diabète gestationnel et ne ferait pas le lit du diabète gestationnel. Détails.
Plus de 80 % des femmes US en âge de procréer consomment journellement de la caféine, certaines en cours de grossesse. L’American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG) préconise aux femmes enceintes de limiter leur consommation à moins de 200 mg/J de caféine, des prises plus conséquentes pouvant mener à un avortement ou à une moindre prise de poids pour le fœtus. Les données concernant le retentissement cardio -métabolique chez la mère restent, toutefois, mal précisées.
En dehors même de la grossesse, la prise de caféine (ou de café) est associée à diverses modifications aiguës ou chroniques. Chez une consommatrice occasionnelle, elle peut conduire à une élévation de la pression artérielle. Expérimentalement, elle diminue la sensibilité à l’insuline, une association inverse étant notée entre prise régulière de café et diabète de type 2. La grossesse se caractérisant par une insulino résistance et par une réduction du métabolisme de la caféine, il a semblé nécessaire d’étudier l’impact de la caféine sur la santé cardio-métabolique de la femme enceinte. Hinkle et collaborateurs ont donc mené, dans ce but, un travail prospectif sur l’association possible entre exposition à la caféine en début et milieu de grossesse et complications maternelles CV, dont le diabète gestationnel, la pré éclampsie, l’hypertension gravidique ainsi que sur les modifications de la pression artérielle et de plusieurs bio marqueurs. Il s’agit, de fait, d’une seconde analyse de la cohorte NICHD Fetal Growth Studie-Singleton. Les participantes (n = 2 802) avaient été enrôlées entre la 8e et 13e semaine de gestation, dans les années 2009 -2013, à partir de 12 centres médicaux US. Les critères d’éligibilité comprenaient un indice de masse corporelle, pré conception, entre 19,0 et 29,0, une non consommation de tabac, une prise d’alcool réduite à moins d’un verre par jour, l’absence de toxicomanie, de prise médicamenteuse agissant sur la fertilité, de fécondation in vitro, de complications gravidiques antérieures ou de maladies chroniques. L’analyse statistique a été faite en 2021. Il y a eu 4 consultations en cours de grossesse, avec prélèvements pour dosage des bio marqueurs lors de la visite 1 (16e – 22e semaine), 2 (24e -29e semaine) et 4 (34e – 37e semaine).
Etude du profil cardiométabolique de 2 500 femmes enceintes buvant du café…ou non
Après exclusion, l’échantillon inclut 2 529 femmes dont la consommation de caféine a été quantifiée et le profil cardiométabolique à jeun précisé. A l’entrée dans l’étude, puis lors de chaque visite, les participantes mentionnaient leur prise de caféine durant la semaine précédente sous forme de café (8 oz la tasse ; environ 240 ml), de soda cafeiné en canette (12 oz ; 360 ml) ou en bouteille (16 oz ; 480 ml) ou encore de boissons énergétiques, avec, secondairement, estimation de la consommation journalière en caféine. Dans le même temps, les concentrations plasmatiques en caféine et en paraxanthine ont été mesurées entre la 10e et 13e semaine par extraction hybride en phase solide.
L’objectif essentiel du travail de Hinkle était de déterminer l’incidence du diabète gestationnel, de l’hypertension artérielle gravidique, de la prééclampsie et l’analyse de l’évolution de la glycémie et de la pression artérielle en fonction des quantités de cafeine absorbées. Les objectifs secondaires étaient la mesure à jeun de divers bio marqueurs : CRP, glycémie, insulinémie, C peptide, Cholestérol HDL, LDL et total, triglycérides, hémoglobine A1c. Plusieurs éléments ont été pris en compte dans l’analyse : IMC avant la grossesse, antécédents familiaux diabétiques, activité physique, stress, qualité de l’alimentation… La consommation de caféine a été classée en plusieurs catégories : de 0,1 à 100 mg/j, de 101 à 200 mg/j, au-delà de 200. Elle a été étudiée sur deux périodes : de la 10e à la 13e semaine de gestation, puis de la 16e à la 22e.
Les participantes étaient âgées en moyenne de 28,1 (9,5) ans ; 16,3 % étaient originaires d’Asie et des iles du Pacifique, 28,9 % d’origine hispanique, 27,8 % noires non hispaniques et 27,2 % blanches ; 1 510 d’entre elles (58,5 %) avaient consommé des boissons caféinées entre la 10e à la 13e semaine : sodas (58,5 %), café (40,6 %), thé (32,1 %) ou boissons energétisantes (0,5 %). Ler nombre est passé à 1 940 (76,4 %) entre la 16e et 22e semaine et était de 1 789 (71,9 %) lors de la 34e à la 37e semaine. La concentration moyenne de caféine a été mesurée à 169, 1 ng/mL (Ecart interquartile EIQ : 29,6 – 651) et celle de paraxanthine à 74,4 ng/mL (EIQ : 16,2- 235,8). Entre la 10e à la 13e semaine, 1 317 (51 %) des participantes avaient consommé, en moyenne entre 1 et 100 mg de caféine quotidiennement, 173 (6,7 %) entre 101 et 200 mg/j et 20 (0,8 %) avaient rapporté une consommation supérieure à 200 mg/j. Elles étaient 1 073 (41,5 %) à avoir signalé aucune prise de boisson caféinée. Entre la 16e et 22e semaine de grossesse, 599 femmes (23 ,6 %) ont déclaré une consommation nulle, 1 734 (68,3 %) une consommation minime, 186 (7,3 %) une prise quotidienne de 101 à 200 mg et 20 (0,8 %) une consommation de plus de 200 mg/j de caféine.
Un moindre risque de diabète gestationnel et pas davantage de prééclampsie
La prise de caféine entre la 1e et la 22e semaine de gestation a été associée à un moindre risque de diabète gestationnel et à des valeurs de glycémie plus faibles : risque relatif pour prise allant de 1 à 200 mg/j vs ingestion nulle calculé à 0,53 (intervalle de confiance à 95 % IC : 0,35- 0,80). On nota, également, sous caféine, des valeurs plus basses de la CRP, du C Peptide et une amélioration du profil lipidique. Entre la 10e et 13e semaine, les taux plasmatiques de caféine et de paraxanthine ont été inversement corrélés à celui de la glycémie : différence entre le 4e quartile vs le 1er : β – 3,8 mg/dL (IC : - 7,0 à – 0,5), p = 0,01. Par contre il n’a été retrouvé aucune association entre consommation de caféine et pré éclampsie ou hypertension gravidique.
Des travaux antérieurs avaient précédemment fait état d’associations inverses entre consommation de thé et de café et risque de diabète gestationnel. De fait, ces substances contiennent des composés phytochimiques pouvant agir sur l’inflammation et l’insulinorésistance. En outre, la caféine améliore la balance énergétique et diminue la masse grasse. De façon usuelle, il est préconisé aux femmes enceintes de ne pas dépasser un apport de plus de 200 mg/j de caféine, une consommation supérieure ayant été associée à un risque accru de moindre croissance fœtale et d’accouchement avant terme.
Les points forts de ce travail tiennent en son caractère multicentrique, à la prise en compte de multiples facteurs confondants et à des évaluations itératives de la consommation de caféine. A l’inverse, sa puissance statistique n’a pas permis de quantifier l’impact des différentes boissons caféinées d’autant que le nombre de complications maternelles observées a été faible. La période couvrant la fin de la gestation n’a, non plus, pas été analysée.
En définitive, il ressort de cette étude de cohorte que la prise de boissons caféinées durant le second trimestre de la grossesse, dans le respect des préconisations habituelles, est associée à un moindre risque de diabète gestationnel, mais n’est pas liée à celui de pré éclampsie et d’hypertension gravidique. Ces résultats devraient contribuer à rassurer les femmes enceintes dont la consommation de caféine reste modérée.
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