Infections, pathologies, maladies dans le cadre de la grossesse
Publié le 13 déc 2022Lecture 4 min
Transfert placentaire d’anticorps contre le SARS-CoV-2 : vaccination versus infection
Pierre MARGENT, Journal International of Medicine
Les femmes enceintes sont à risque accru de Covid-19 sévère, risque majoré pour la mère et pour le nouveau-né. Les Centers for Disease Controls and Prevention ont de ce fait émis dès septembre 2021 une recommandation visant à vacciner contre le SARS-CoV-2 les femmes enceintes quel que soit le terme de la grossesse. Afin de préciser la date idéale de vaccination et le moment où le transfert placentaire d’anticorps (Ac) est maximum, une étude de cohorte a été menée.
Une grande cohorte d’échantillons de sérum
Elle a été conduite dans un hôpital de Philadelphie auprès de femmes (et leur nouveau-né) ayant accouché entre le 9 Août 2020 et le 25 Avril 2021. Des données cliniques et démographiques ont été recueillies et les femmes systématiquement dépistées par test PCR à l’admission pour l’accouchement (et avant si nécessaire), tout comme les enfants à la naissance. Le dosage des Ac (IgG et IgM) dirigés contre la protéine de pointe S du virus a été effectué de façon itérative en cours de grossesse et à l’accouchement dans le sang du cordon. Un taux d’Ac sériques > 0,48 U/mL était considéré comme positif. Trois situations maternelles ont été analysées : infection Covid-19 symptomatique (symptômes + test PCR positif), infection asymptomatique (absence de symptôme et de vaccination + Ac positifs) et celle d’une vaccination, avec ou sans infection. Le taux de transfert plasmatique était défini comme le rapport : IgG du nouveau-né/IgG maternelle.
Des femmes avec des IgG anti-SARS-CoV-2 à l’accouchement
L’âge médian à l’accouchement était de 31 [EIQ 26-35] ans pour une durée médiane de gestation de 39 [38-40] semaines et 31 (5,3 %) naissances avant terme (< 37 semaines). La cohorte était formée de 3 381 femmes ayant accouché pendant la période d'étude ; des échantillons appariés de sérum maternel et de sang de cordon étaient disponibles pour 3 119 dyades (92,3 %). Des Ac anti-SARS-CoV-2 ont été détectés chez 604 femmes enceintes (19,4 %) : pour 18 (3,0 %) uniquement des IgM, 380 (62,9 %) des IgG et 206 (34,1 %) des IgG et des IgM.
Les IgM ne traversant pas le placenta, les analyses se sont limitées aux 585 dyades avec IgG maternelles. Parmi elles, des IgG ont été détectées dans le sang du cordon de 557 nouveau-nés (95,2 %). Chez les 28 femmes séropositives avec des nouveau-nés négatifs, la moyenne géométrique des concentrations d'IgG était inférieure à celle des personnes appariées avec des nouveau-nés séropositifs (1,21 [intervalle de confiance à 95 % IC95% 0,90-1,61] U/mL vs 6,46 [IC95% 5,63-7,42] U/mL ; p < 0,001).
Parmi les 585 dyades, 265 (45,3 %) avaient une infection asymptomatique et 143 (24,4 %) une infection symptomatique. Au moins 1 dose d'un vaccin a été administrée pendant la grossesse à 177 femmes (30,3 %) et une deuxième dose de vaccin avant l’accouchement à 126 des 164 femmes (76,8 %) qui avaient reçu un vaccin à ARNm. Par rapport aux personnes infectées par le SARS-CoV-2, les femmes vaccinées étaient plus âgées, plus souvent blanches non hispaniques et avaient un IMC > 30. Le délai moyen entre 1ère dose et accouchement variait de 12 à 122 jours.
Vaccin ou infection, qui fait mieux ?
En cas de vaccination, les concentrations en IgG tant maternelles que dans le sang du cordon étaient élevées, plus importantes après vaccin ARNm Moderna (53,74 [IC95% 40,49-71,33] UI/mL) qu’en cas de vaccin ARNm Pfizer/BioNTech (25, 45 [IC95% 19,67-33,79] UI/mL).
A contrario, le rapport de transfert placentaire a été significativement plus faible après vaccination qu’après infection, calculé respectivement à 0,80 (IC95% 0,68-0,93) vs 1,06 (IC95% 0,98-1,14), p < 0,001, sans différence selon le type de vaccin ARNm. Le temps écoulé entre l'infection ou la vaccination et l'accouchement était associé au taux de transfert dans les modèles incluant l'âge gestationnel, l’hypertension maternelle, le diabète et l'obésité. Le transfert placentaire d'Ac était détectable dès la 26ème semaine de gestation.
Un rapport de transfert > 1,0 était présent pour 48 des 51 (94,1 %) naissances à 36 semaines de gestation ou après, 8 semaines après la vaccination. Point notable, la valeur géométrique des Ac du sang du cordon a été significativement plus élevée en cas de vaccination maternelle qu’en cas d’infection. Par contre, l’âge gestationnel lors de l’accouchement n’a pas été associé à l’importance du transfert chez les femmes infectées durant leur grossesse.
Au total, les IgG dirigées contre la protéine S du SRAS ont été mesurées à des taux plus élevés après vaccination qu’après infection chez des femmes enceintes. Toutefois, le ratio de transfert placentaire a été plus faible après vaccination. Il a également été trouvé un taux d’Ac plus important en cas de vaccination par vaccin ARNm 1273 que par BNT 162b2, peut-être en lien avec une dose d’antigène plus forte dans le premier. Il n’a pas été décelé de différence de transfert après infection selon qu’elle ait été symptomatique ou non.
Ce travail a plusieurs points forts dont l’importance numérique de la cohorte, l’origine ethnique variée des femmes, la prise en compte de l’âge gestationnel, la comparaison entre divers vaccins. A l’inverse, il a été effectué à partir des seuls dossiers médicaux informatisés et des erreurs de déclaration ou de classification ont pu survenir. Enfin, la persistance des Ac chez le nouveau-né n’a pas été étudiée ni le degré de protection apporté.
En conclusion, ces résultats suggèrent que la date de l’infection ou de la vaccination par rapport à celle de l’accouchement sont des éléments majeurs dans l’efficience du transfert placentaire d’Ac.
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