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Fertilité - AMP

Publié le 16 jan 2024Lecture 7 min

Endométriose : quel impact sur la fertilité  ?

Hélène JOUBERT, D’après la communication du Pr Blandine Courbière
Endométriose : quel impact sur la fertilité  ?

En dépit de l’impact de l’endométriose sur la fertilité naturelle, la littérature scientifique est rassurante vis-à-vis des résultats des FIV des femmes infertiles ayant une endométriose de stades 1 et 2, prises en charge en centre d’assistance médicale à la procréation. Quant à l’endométriose modérée à sévère, celle-ci n’aurait pas, ou du moins que peu, d’impact sur les taux cumulés de naissances vivantes en FIV, en dépit d’un moindre rendement ovocytaire. Une question à approfondir du fait d’études discordantes.

Lorsque l’on parle de problèmes de fertilité en cas d’endométriose, on néglige souvent l’impact de la maladie sur la santé sexuelle et les dysfonctions sexuelles. Or, du fait d’un phénomène de sensibilisation centrale, les dyspareunies constituent un obstacle certain aux grossesses spontanées. Les études ont mis en évidence le syndrome d’hypersensibilité pelvienne avec une altération des circuits de nociception et une sensibilisation centrale. Cet impact direct des douleurs sur la sexualité est considérable, avec 59 % de dysménorrhées(1), 56 % de dyspareunies profondes, 60 % de douleurs pelviennes chroniques, une sensibilisation centrale évaluée à 41,4 %(2) et une anxiété anticipatoire des douleurs provoquées par les rapports chez 66 % des femmes. Une étude a corrélé la dysfonction sexuelle et l’intensité de la douleur pendant/après les rapports sexuels, avec un nombre inférieur d’épisodes de rapports sexuels par mois(3). L’altération de l’image corporelle, un syndrome anxio-dépressif ainsi qu’une diminution de la communication entre les partenaires peuvent encore participer de la détérioration de la fonction sexuelle Combien de femmes concernées ? Il est difficile de se faire une idée exacte de la prévalence de l’endométriose ou encore de l’infertilité réelle liée à la pathologie. Dans une base de données israélienne (2 millions d’individus)(4), la prévalence de l’endométriose (n = 6 146, âge moyen 40,4 ans) était de 10,8 ‰. Les femmes âgées de 40 à 44 ans avaient le taux de prévalence le plus élevé (18,6 ‰). L’infertilité a été documentée chez 37 % des femmes. Une revue épidémiologique estime pour sa part la prévalence de la maladie entre 5 et 10 %(5). Elle serait présente chez 2 à 11 % des femmes asymptomatiques. Elle toucherait 75 % des femmes présentant une dysménorrhée résistante à un traitement médical. Dans une très vaste étude cas-témoins, l’endométriose était associée à l’infertilité (OR = 3,3), à des comorbidités chroniques, à un recours plus fréquent aux services de santé (hospitalisation : OR = 2,3) ainsi qu’à la prise d’analgésiques et d’antidépresseurs(6). À propos des impacts directs de la maladie, la cause de l’infertilité mécanique est évidente en cas d’endométriose stade 3 ou 4, avec des adhérences tubo-ovariennes ou un hématosalpinx. Mais il ne faut pas sous-estimer les impacts indirects sur la fertilité. En effet, les nombreuses données issues d’études in vitro et chez l’animal démontrent qu’il existe une inflammation au niveau de l’endomètre, au niveau du liquide folliculaire, et pléthore d’études en protéomique, génomique, métabolomique, transcriptomique convergent : l’endométriose serait délétère à toutes les étapes de la fécondation, suggérant que les femmes touchées par la maladie pourraient avoir une moins bonne implantation, une moins bonne qualité ovocytaire et embryonnaire, etc. Une revue de la littérature(7) a confirmé le caractère dysfonctionnel de la réponse immunitaire et inflammatoire, et a mis en lumière de multiples dérégulations cytokiniques. Plusieurs anomalies ont été observées en cas d’endométriose, qui affecteraient la réceptivité endométriale, engendreraient un déséquilibre des sélectines, des interleukines, etc. Inflammation, résistance à la progestérone, biomarqueurs endométriaux perturbés(8) sont aussi décrits. Les estrogènes et les progestatifs modulent la chimiotaxie et l’apoptose dans l’endomètre humain, et les cellules et tissus endométriosiques. Ces voies endocrines et paracrines sont perturbées chez les femmes atteintes d’endométriose, contribuant aux réponses inflammatoires, au remodelage tissulaire anormal, au fait d’être réfractaire aux thérapeutiques, et à la persistance de la maladie. D’où la formation d’adhérences, de symptômes cliniques de douleur pelvienne et de l’infertilité(9). Tout porte à croire que la conception, naturelle comme par FIV, pourrait être problématique chez ces femmes souffrant d’endométriose. Une pratique clinique rassurante Malgré ces constats plutôt inquiétants in vitro, ce qui est observé en pratique clinique est rassurant. Une étude publiée en 2022(10) a comparé des femmes endométriosiques qui ont bénéficié d’un don d’ovocytes à des femmes jeunes (< 35 ans) suivies en FIV pour endométriose (avec leurs propres ovocytes). Non seulement les taux de grossesse étaient similaires, mais les chercheurs n’ont pas particulièrement observé d’altérations ovocytaires liées à l’endométriose. Les observations en vraie vie sont similaires à propos de la réceptivité endométriale étudiée en comparant les taux de grossesse chez des femmes endométriosiques bénéficiant d’un don d’ovocytes, comparé à des femmes bénéficiant d’un don d’ovocytes mais sans endométriose. Les taux de naissance étaient identiques et cette évaluation indirecte suggère qu’il n’y aurait pas d’altération rédhibitoire de l’implantation embryonnaire en dépit des perturbations physiopathologiques mises en évidence in vitro. Impact sur la réserve ovarienne Quant à l’impact de la maladie sur la réserve ovarienne, certains experts estiment que les endométriomes seraient responsables d’un stretching au niveau de l’ovaire, limitant ainsi de manière mécanique le pool des follicules recrutables en FIV. D’autres pensent que les endométriomes produiraient un effet toxique local indirect du fait d’un stress oxy dant, d’une inflammation, de la présence d’une fibrose périkystique qui diminuerait de facto la densité folliculaire périkystique. D’après la plupart des méta - analyses, les femmes avec endométriomes ont des taux d’hormone anti-müllerienne (AMH) diminués avant kystectomie et, comparativement aux femmes ayant des kystes bénins type dermoïdes, leur taux d’AMH est aussi plus bas avant kystectomie. Toutefois, l’AMH n’est que le reflet du pool des follicules en croissance, et surtout pas un marqueur de la fertilité ! D’après une étude parue en 2015(11), la présence d’un endométriome n’empêcherait pas les ovulations spontanées du côté de l’ovaire atteint ; la grossesse s’opérant une fois sur deux à partir de l’ovaire avec endométriome non opéré. Endométriose de stades 1 et 2 : des chances de naissance vivante non diminuées Une métaanalyse parue en 2019(12) a repris les études comportant des femmes ayant une endométriose de stades 1 et 2 avec une indication de FIV, et a constaté qu’il n’y avait pas de différence sur les taux de naissance en FIV ni d’augmentation du taux de complications obstétricales. La présence d’endométriomes induit une diminution significative du nombre d’ovocytes ponctionnés et d’ovocytes matures, mais sans qu’il y ait cependant de différence sur les taux de naissance en FIV et, a priori, sans augmentation du taux de fausse couche ni de complications obstétricales. Une étude évaluant l’impact des endométriomes non opérés en FIV versus groupes témoins sans endométriose a conclu, elle aussi, que les chances de naissances vivantes n’étaient pas diminuées(13). Endométriose pelvienne profonde et fertilité : des conséquences à explorer À ce jour, les études sont discordantes. L’une d’entre elles ne retrouve pas plus de fausses couches mais plus de complications obstétricales, avec + 17 % de placenta prævia(14). Une équipe française (hôpital Cochin, AP-HP, Paris) a calculé un taux plus élevé de fausses couches mais sans impact du type d’endométriose sur les chances de naissances en FIV(15). Endométriose de stades 3 et 4 : quel impact en FIV ? Une diminution des chances de naissance vivante est observée en cas d’endométriose de stade 3 et 4 en FIV (OR = 0,78) ainsi qu’une augmentation du risque de fausse couche (OR = 1,31)(12). À ce sujet, le Dr Appoline Zimmermann (service de médecine de la reproduction de l’hôpital La Conception, Marseille) a réalisé son travail de thèse à partir d’une cohorte rétrospective appariée, en éliminant au maximum les facteurs de confusion (présence d’adénomyose ou non, etc.)(16). Elle a retrouvé un nombre d’ovocytes plus faible dans le groupe endométriose versus absence d’endométriose mais des taux de naissance vivante par femme identiques. L’étude des sous-groupes ne retrouve pas d’impact sur le taux de naissance, qu’il y ait endométriomes ou non. Par ailleurs, selon les études disponibles, il n’y aurait pas d’impact de l’adénomyose en cas de protocole de FIV ultra-long (3 mois d’agonistes de la GnRH). Il semblerait que les complications obstétricales (prééclampsie, prématurité, hémorragie de la délivrance) apparaissent surtout en cas d’adénomyose associée. D’après la communication « Endométriose : quel impact sur la fertilité » du Pr Blandine Courbière, Pôle Femme-Parents-Enfants (Centre clinico-biologique d’AMP, AP-HM, Marseille), congrès Pari(s) Santé Femmes 2023.

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