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Profession

Publié le 17 déc 2020Lecture 5 min

Violences sexuelles envers les femmes : quel rôle pour les gynécologues et sages-femmes ?

Emilie MOREAU 1, Axelle ROMBY 2, 1. Psychologue sexologue 2. Médecin sexologue

La violence est un comportement social induisant un rapport de pouvoir et de domination qui peut être légitimé par des systèmes de pensées (idéologiques, religieux, etc.) et se traduire sous plusieurs formes : interpersonnelles, sociales, culturelles ou encore politiques.

L'ensemble des recherches internationales et nationales montrent que les femmes et les filles sont exposées à un risque plus élevé de violences fondées sur le genre que ne le sont les hommes. Par ailleurs, les violences au sein du couple affectent les femmes de manière disproportionnée. En France, chaque année, en moyenne 93 000 femmes sont victimes de viols ou de tentatives de viol, dans plus de 9 cas sur 10, ces violences ont été perpétrées par une personne connue de la victime et dans 45 % des cas, l’agresseur est le partenaire ou l’ex-partenaire de la victime.  De quoi parle-t-on ? Les violences sexuelles recouvrent plusieurs situations dont le point commun est l’absence d’un consentement et dans lesquelles une personne impose à une femme des comportements ou des propos non souhaités en lien avec la sphère de la sexualité et de l’intimité. Les notions de domination et de rapport de pouvoir sont centrales dans toutes les violences sexuelles. On peut dresser une liste non exhaustive des violences sexuelles : le viol, les agressions sexuelles, l’exhibition sexuelle, les mutilations génitales, le proxénétisme, le harcèlement sexuel, les propos sexistes ou liés à l’orientation sexuelle, les discriminations sexistes ou liées à l’orientation sexuelle, mais également les violences gynécologiques et/ou obstétricales. La question des définitions est fondamentale pour pouvoir délivrer une information précise en la matière. Les conséquences des violences sexuelles D’un point de vue psychologique  Les VS sont à l’origine des plus forts pourcentages de troubles psychotraumatiques tels que les états de stress post-traumatiques (ESPT) : 80 % des victimes de viols, 60 % de victimes d’agressions sexuelles présentent des troubles psychotraumatiques (contre 24 % des victimes de traumatismes en général). Les troubles psychotraumatiques sont mal connus, mal diagnostiqués et donc mal pris en soins par les professionnel•le•s de santé. Ils peuvent conduire les victimes à présenter des comportements paradoxaux déroutants pour leur entourage et les professionnel•le•s : dissociation, confusion, banalisation, dépendance à l’agresseur, conduites à risque… D'un point de vue génétique et sexuel  Les VS peuvent être, entre autres, à l’origine de grossesses non désirées, de complications de la grossesse, d’avortements non sécurisés. Il est par ailleurs connu que la survenue d’une grossesse peut être un événement déclencheur dans l’apparition des violences conjugales, ce moment particulier d’un point de vue psychique pouvant favoriser la réminiscence d’un vécu traumatique infantile chez le partenaire. La sphère génito-urinaire peut être le lieu de syndromes douloureux complexes, de douleurs pelviennes chroniques traduisant des séquelles physiques de violences. Du point de la vue de la sexualité, la symptomatologie est très vaste : dyspareunies et vaginis - me ; troubles du désir, du plaisir, de l’orgasme ; comportements d’évitement/aversions sexuelles ; hypersexualité ; fixations sexuelles exclusivement « agressives » ou « passives » ; masturbations compulsives ; mises en danger ; prostitution (75 % des personnes en situation de prostitution ont subi des VS dans l’enfance). La consultation gynécologique : un espace d'écoute et de prévention des VS  De l'importance du questionnement systématique en consultation La systématisation du questionnement sur un possible vécu de violences permet d’éviter un écueil : celui de laisser nos propres représentations déterminer à qui l’on pose la question ou non. Présenter cette question comme un item parmi d’autres dans l’anamnèse de la patiente reçue en rassurant sur le fait que l’on pose la question de façon systématique peut constituer un moyen de lever ce frein. Cette stratégie peut ainsi autoriser des femmes à pouvoir évoquer leur vécu pour la première fois : ouvrir cet espace, c’est induire l’idée qu’elles puissent être entendues. Il s’agit alors de trouver la formulation avec laquelle la/le professionnel• le sera le plus à l’aise, comme par exemple : « Avez-vous déjà subi des violences dans votre vie ? » ou bien « Avez-vous déjà subi des événements qui vous ont fait du mal et qui continuent à vous faire du mal aujourd’hui ? », ou encore « Tout se passe bien à la maison ? ». Des outils pédagogiques sont à disposition sur le site du gouvernement dédié à la prévention des VS : arretonslesviolences.gouv.fr/je-suis-professionnel/violencessexuelles. De l'importance de consentement à l'examen gynécologique et/ou obstétrical La notion de consentement n’est pas réductible à la seule sphère de la sexualité, elle est également valable dans le domaine médical et a fortiori dans le cadre d’un examen gynécologique. Si demander l’accord des femmes avant tout examen gynécologique est important, cela l’est d’autant plus quand une femme a un vécu des violences sexuelles. L’examen gynécologique constitue un acte invasif par essence et peut être source d’une réminiscence d’un vécu traumatique pour certaines femmes. Ce vécu peut être en lien avec des violences sexuelles, mais également en lien avec ce qui constitue désormais un autre type de violence, celles dénommées VOG (violences gynécologiques et obstétricales). Ce type de violences lors d’un examen vécu comme brutal ou lors d’un accouchement par exemple peut enclencher des conséquences telles que les dyspareunies et les vaginismes secondaires. Leviers à l'initiation d'une parole Plusieurs éléments participent à la mise en œuvre d’un cadre de prise en soins global et surtout sécurisante pour les personnes concernées : partir du principe que toute personne peut être concernée par ces violences, dans une relation hétérosexuelle ou homosexuelle, qu’il s’agisse de femmes ou d’hommes, rappeler que nos pratiques sont soumises à un secret professionnel autorisant les personnes que nous rencontrons à raconter leur histoire sans que cela n’implique une judiciarisation de leur situation. Cela implique concrètement de se former pour avoir des outils afin d’appréhender la spécificité de cette situation, fonctionner en réseau pour accompagner ce discours, faire émerger le contexte social, relationnel, subjectif dans lequel ces violences s’inscrivent et de pouvoir proposer une prise en soins globale, connaître les ressources territoriales en la matière ainsi que les réseaux de prises en soins spécifiques (outils, consultations de psychotraumatismes, association d’aides aux victimes, psychologues de commissariat, assistantes sociales, etc.). Conclusion La reconstruction d’une personne victime de violences sexuelles signifie tout d’abord sa restauration comme sujet par opposition à la position d’objet dans laquelle l’agresseur l’a mise. Laisser la porte ouverte pour pouvoir évoquer un possible vécu de violence constitue en soi une action de prévention des violences sexuelles, la consultation gynécologique est alors à penser comme un espace propice dans la lutte contre les violences.

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